Beaucoup d'individus posent leur candidature pour un titre, bien avant un poste. Les entreprises le savent et présentent désormais leurs offres d'emploi sous des appellations accrocheuses.

Beaucoup d'individus posent leur candidature pour un titre, bien avant un poste. Les entreprises le savent et présentent désormais leurs offres d'emploi sous des appellations accrocheuses.

Récemment, un client de l'agence de recrutement Quantum a fait appel à Guylaine Allard, directrice du bureau de l'ouest de Montréal, pour trouver un «super bon analyste financier».

Lorsqu'elle a pris connaissance de la description de tâches, Mme Allard a conclu que son client recherchait en fait un commis comptable junior. «J'ai eu beau lui expliquer, il a insisté pour que j'affiche un poste d'analyste financier», raconte-t-elle.

Mme Allard a cependant bien pris soin de présenter aux candidats la nature exacte du futur boulot. «Selon les entreprises, un même titre peut avoir une signification différente. Il arrive également que des entreprises gonflent des titres, soit pour faciliter le recrutement ou pour ajouter, du moins en apparence, une notion de pouvoir à certains postes», explique-t-elle.

Ces subterfuges sont particulièrement courants dans les domaines liés à la vente et au marketing. Le titre de vice-président, par exemple, garantit des retours d'appels plus rapides que celui de directeur de la part de clients américains. C'est également le cas lorsqu'on s'appelle directeur des ventes plutôt que vendeur ou représentant.

L'inverse est vrai. Certaines adjointes de direction ont, dans les faits, plus de responsabilités que certains de leurs collègues directeurs. Par ailleurs, des femmes qui portent le titre de secrétaire et sont le véritable bras droit de présidents, sont perçues comme moins importantes dans la hiérarchie que d'autres, désignées comme adjointes...

Mme Allard a constaté à maintes reprises que plusieurs chercheurs d'emploi posent leur candidature à des postes aux titres plus prestigieux sans même lire la description de tâches.

«En affichant un poste d'adjointe de direction, nous sommes assurés de recevoir plus de candidatures qu'en cherchant une secrétaire», confirme Guylaine Allard.

Pour la même raison, on retrouve maintenant de moins en moins d'offres d'emploi de réceptionniste, bien que ce métier soit très en demande.

«Les entreprises camouflent ce boulot sous des titres comme coordonnatrice des services à la clientèle ou adjointe administrative. Or, en regardant la description de tâches, on voit bien qu'il s'agit surtout de répondre au téléphone», précise Mme Allard.

Titres et organisations

Cynthia Guay, directrice du bureau d'Addecco du centre-ville de Montréal, constate que les écarts entre les titres et les tâches sont plus fréquents dans les PME.

«Dans ces entreprises, les responsabilités sont plus diversifiées et, souvent, les gens qui partent ne sont pas remplacés. Les tâches prévues à l'origine deviennent plus lourdes. Les patrons peuvent alors changer le titre pour justifier une hausse de salaire», explique-t-elle.

Mme Guay a également vu des dirigeants de très petites entreprises demander à des membres de leur personnel de choisir leur titre. Ainsi, la «madame à tout faire» peut devenir la coordonnatrice du bureau, bien qu'elle soit secrétaire.

«Dans la grande entreprise, les fonctions sont plus standardisées. En milieu syndiqué, les titres correspondent à des descriptions prévues dans les conventions collectives. Il est plus difficile de jouer avec les mots», ajoute-t-elle.

C'est toutefois dans le secteur public que les titres et les tâches lui semblent les plus cohérents. Mme Guay croit aussi que le gouvernement a moins besoin de recourir au «marketing par les titres» que dans le privé.

«Les gens qui veulent y travailler ont moins de problèmes à être appelés agent de bureau ou secrétaire, alors que ces titre n'existent pratiquement plus ailleurs», dit-elle.

Cynthia Guay croit que les écarts entre les titres et les tâches vont s'accentuer avec la pénurie de main-d'oeuvre. Dans le domaine des ressources humaines, où l'on est devant un marché de candidats, les synonymes abondent. On peut être conseiller, responsable ou coordonnateur en ressources humaines, ou encore gestionnaire de talents ou du capital humain. Tout ça, pour exactement le même travail.

La description de tâche d'abord

«Pour éviter les déceptions, les chercheurs d'emploi doivent, d'abord et avant tout, examiner rigoureusement les descriptions de tâches car les titres ne veulent plus rien dire», conseille Cynthia Guay.

Même recommandation de la part d'Alain Trépanier, directeur du développement organisationnel chez Drakkar ressources humaines. Il donne même en exemple son propre titre.

«Selon les organisations, un directeur peut gérer du personnel ou être responsable d'un processus d'affaires sans avoir aucun subalterne. De plus, la portée de décision d'un directeur varie selon les secteur. Elle est en général beaucoup plus grande dans le privé. Dans le public, il y a plus de niveaux hiérarchiques entre la tête et la base», dit-il.

Selon M. Trépanier, il est crucial pour les candidats de découvrir la réalité cachée derrière le titre.

«Un des grands motifs invoqués par les gens qui quittent les entreprises est l'écart entre la description de poste qui leur a été faite et les responsabilités. Les candidats doivent prendre bien soin de clarifier leurs attentes et de ne pas se laisser leurrer par les titres», insiste-t-il.