Dans un passé pas si lointain, Abipa, petite entreprise d'usinage et de soudure de composantes aéronautiques de Laval, pouvait recevoir en quelques mois les métaux qui constituaient sa matière première.

Dans un passé pas si lointain, Abipa, petite entreprise d'usinage et de soudure de composantes aéronautiques de Laval, pouvait recevoir en quelques mois les métaux qui constituaient sa matière première.

À l'heure actuelle, Abipa doit attendre un an et demi, parfois même deux ans, avant de recevoir certains métaux qu'elle a commandés.

"Les délais de livraison ont doublé et même triplé", déplore Line Harvey, responsable des ressources humaines et du marketing de l'entreprise d'une centaine d'employés.

Le problème se pose surtout pour l'aluminium et le titane, des métaux prisés dans l'industrie aéronautique, mais aussi pour certains types d'acier.

"Nous n'achetons pas de titane ou d'aluminium, mais nous achetons de l'acier hautement spécialisé, note Eduardo Minicozzi, président de Minicut International, entreprise montréalaise spécialisée dans la fabrication d'outils de coupe. Le problème, ce sont les prix: ils ont augmenté de 150% en deux ans."

Délais de livraison, explosion des prix: ce sont les symptômes d'une pénurie de matières premières dans l'industrie aéronautique. Pour 2006, Alcan prévoit qu'il manquera 300000 tonnes d'aluminium pour satisfaire la demande mondiale. L'aluminium destiné à l'industrie aéronautique ressent évidemment les contrecoups de cette pénurie générale.

Or, ce métal est particulièrement important pour l'aéronautique. Il représente ainsi 90% de la structure d'un appareil de Bombardier, alors que le titane en représente 5%. "Avec la capacité qui se met en place, par l'entremise de producteurs comme Alcoa, Kaiser ou Pechiney, ça va aller mieux à partir de 2008 du côté de l'aluminium, affirme le président et chef de la direction d'Héroux-Devtek, Gilles Labbé. Mais ce sera encore difficile en 2007."

Le porte-parole de Bombardier Aéronautique, Marc Duchesne, indique que les nouveaux matériaux vont peut-être réduire les besoins en aluminium dans l'avenir.

"Mais nous ne sommes pas rendus là", constate-t-il.

Négocier, encore et toujours

En attendant un assouplissement du marché, il n'y a pas de solutions magiques.

"On négocie avec les fournisseurs de matières premières, les grands de ce monde, on travaille étroitement avec nos clients, indique M. Labbé. On n'a pas le choix."

Les grandes entreprises comme Bombardier et Pratt & Whitney Canada font face au même problème, mais les PME sont particulièrement désavantagées.

"C'est toujours un défi, mais quand tu es une petite entreprise, tu n'as pas le même pouvoir que Bombardier ou Boeing, explique Fabien Digenova, vice-président d'Aerospace Welding, entreprise de Blainville spécialisée dans la fabrication et la réparation de composantes aéronautiques. Elles peuvent conclure des ententes à long terme."

Bell Helicopter Textron Canada a signé de telles offres d'achat.

"Lorsque que nous recevrons ces matériaux, dans un ou deux ans, il va falloir s'ajuster aux prix du marché, déclare Michel Legault, directeur du développement des affaires chez Bell Helicopter. C'est Boeing qui a ouvert le bal il y a environ trois ans. Nous avons dû suivre. Nous devons acheter longtemps d'avance, ce que nous n'avions pas tendance à faire."

Bombardier a aussi conclu des contrats à long terme avec Alcoa pour son approvisionnement en aluminium. L'avionneur vient toutefois de donner un coup de pouce à ses sous-traitants en concluant un contrat à long terme avec Alcan pour la fourniture de quelques centaines de tonnes d'aluminium par année à prix déterminé.