Marc Beaudoin, le partenaire montréalais de Martin Tremblay, est introuvable. Selon nos informations, l'homme a quitté le Canada dans la foulée de l'arrestation de Martin Tremblay, à New York. L'une de nos sources affirme qu'il vit maintenant aux Bahamas.

Marc Beaudoin, le partenaire montréalais de Martin Tremblay, est introuvable. Selon nos informations, l'homme a quitté le Canada dans la foulée de l'arrestation de Martin Tremblay, à New York. L'une de nos sources affirme qu'il vit maintenant aux Bahamas.

En janvier, tous les comptes de Marc Beaudoin ont été gelés, à Montréal, par les autorités boursières canadiennes. Beaudoin a alors été contraint de démissionner de son poste de représentant en valeurs mobilières chez Research Capital, à Montréal.

Ses affaires transitaient entièrement par Tremblay, aux Bahamas, nous a indiqué le chef de la conformité de Research Capital, Vanessa Gardner.

Nous avons tenté par divers moyens de joindre Marc Beaudoin, mais sans succès. La firme d'avocats qui le représente, Trudeau Dufresne, n'a pas réussi à lui parler. Les nombreux messages que nous avons laissés à son frère, dont nous avions les deux numéros de téléphone, sont restés sans réponse.

Un intime de la famille

Âgé de 47 ans, le comptable Marc Beaudoin est un intime de la famille Tremblay. Il connaît Martin depuis 1985 et a même été le concubin de sa soeur, feue Hélène Tremblay, a-t-il indiqué dans divers témoignages que nous avons obtenus. "Quand je vais aux Bahamas, je soupe chez les Tremblay", raconte M. Beaudoin dans sa déposition à la CVMQ1.

À la fin des années 80, Marc et Martin apprennent ensemble le métier de fiscaliste chez Touche Ross, firme comptable devenue Samson Bélair Deloitte & Touche. Les deux compères étaient spécialisés dans le transfert à l'étranger du patrimoine de gens aisés, le tout sans payer d'impôts, explique Marc Beaudoin à la CVMQ.

La famille Tremblay a elle-même profité des largesses de la loi de l'impôt, en 1994, en transférant 45 millions de dollars aux Bahamas sans verser un sou au fisc, affirme Revenu Canada dans un document déposé à la Cour canadienne de l'impôt. Cet argent provenait de la vente de l'entreprise de câblodistribution Télésag à Vidéotron. Le transfert en franchise d'impôts est toujours contesté par Revenu Canada.

Le départ de Martin Tremblay aux Bahamas, en 1994, n'a pas empêché les deux associés de conserver d'étroites relations. Beaudoin devient même la tête de pont à Montréal de la firme de Tremblay, Dominion Investments (Nassau), des Bahamas.

"Marc Beaudoin était reconnu comme l'expert des transactions offshore. C'est un gars sympathique, brillant et très habile pour se protéger", nous dit un autre informateur.

De 1995 à 1998, Beaudoin mène ses affaires comme courtier de plein exercice chez Midland Walwyn. Rapidement, grâce aux transactions outre-mer, ses commissions nettes avoisinent le million de dollars par année, ce qui en fait l'un des 10 meilleurs vendeurs au Québec.

Ses affaires sont à ce point prospères qu'il reçoit des félicitations du président de la firme, Guy Savard, dans une lettre dont nous avons copie. Guy Savard est l'ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

"Je tiens à te féliciter bien sincèrement d'avoir atteint cette première place en un temps record. Quel exploit extraordinaire! Tu récoltes ce que tu as semé, Marc, et je me réjouis de tes réussites", écrivait M. Savard en février 1997.

À l'époque, la presque totalité des clients de Marc Beaudoin transitent par Dominion Investments et Ansbacher Bank, des Bahamas, a lui-même déclaré Beaudoin dans une déposition en Cour supérieure4. Selon deux sources, le portefeuille de ses clients des Bahamas atteint plusieurs dizaines de millions de dollars.

Congédié pour une transaction en liquide

Mais les choses tournent au vinaigre à l'été 1998, lorsque Merrill Lynch fait l'acquisition de Midland Walwyn. Les dirigeants de la nouvelle firme passent au crible les affaires de Beaudoin. Ils n'aiment pas ce qu'ils trouvent: en septembre 1998, Marc Beaudoin est congédié pour diverses irrégularités, indiquent des documents déposées en Cour supérieure5.

Notamment, Beaudoin a refusé de dire à son patron la provenance d'une enveloppe contenant 10 000$ comptant, argent destiné à un client qui exigeait d'être payé en cash. L'Association des courtiers (ACCOVAM) entame alors une enquête.

Marc Beaudoin n'abandonne pas la partie pour autant. Quelques jours après son renvoi, il fonde Dominion Investments Montréal, dont il est l'unique actionnaire. L'entreprise est le miroir de la firme de Martin Tremblay, Dominion Investments (Nassau).

Durant cette période, il n'a pas de permis pour pratiquer le commerce des valeurs mobilières. Comment justifier ses activités, alors? Dans un de ses témoignages en Cour supérieure4, Beaudoin soutient que Dominion Investments Montréal n'avait pas besoin de licence de courtage pour fonctionner, n'étant qu'une firme de consultation, qui reçoit des honoraires de Dominion Investments (Nassau).

En juillet 1999, Beaudoin réussit à se faire réembaucher par une firme de courtage du Québec, Dundee Securities. Il y fera long feu. Trois mois plus tard, il est mis à la porte. Motif: l'ACCOVAM rejette sa demande d'approbation comme représentant de plein exercice chez Dundee.

Le refus est lié aux irrégularités commises chez Merill Lynch mais également à l'enquête que mène la CVMQ sur Beaudoin. L'enquête porte sur de présumés investissements réalisés sans prospectus, par son entremise, une pratique interdite. Dans une requête en Cour supérieure4, Dundee soutient que ces faits n'avaient pas été révélés au moment de l'embauche de Beaudoin, en juillet 1999.

Mais le fiscaliste est tenace. Il porte en appel la décision de l'ACCOVAM et un comité spécial accepte finalement de le réinscrire comme représentant, avec des conditions de surveillance particulière. Ce feu vert conditionnel est signé par le comité en septembre 1999. Il permet à Beaudoin d'être embauché par le courtier Canaccord Capital, qui le nomme courtier de plein exercice en décembre 1999.

Chez Canaccord, Marc Beaudoin transfère son lot de 250 clients de Dominion Investments et des Bahamas. Mais encore une fois, les portes tournent vite. Moins d'un an plus tard, il est viré, après avoir été mêlé au scandale Jitec, firme dont le propriétaire Benoit Laliberté est accusé d'avoir manipulé les titres en Bourse.

Il passe rapidement chez Rampart Securities, en décembre 2000. Mais cette firme est un modèle d'inconduite réglementaire, à tel point que le permis de Rampart est suspendu en août 2001 par les autorités boursières. L'entreprise et ses dirigeants ont plus tard écopé des plus fortes amendes au Canada.

Marc Beaudoin avait eu le temps de quitter Rampart en juillet 2001, un mois avant la suspension par les autorités. Il est alors passé chez Research Capital, dont il a démissionné en janvier dernier après la mise au jour de l'affaire Martin Tremblay.

"Sa valise est prête constamment, nous a dit une de ses connaissances. Un jour, il m'a dit: "Si jamais la soupe est trop chaude, je m'en vais à Dorval, je laisse les clefs dans la voiture, je prends l'avion, pis vous ne me reverrez plus.""