De beaux parleurs sans scrupules. Des sangsues. Des mots encore moins gentils. Voilà comment des acheteurs professionnels décrivent les représentants avec qui ils font affaire.

De beaux parleurs sans scrupules. Des sangsues. Des mots encore moins gentils. Voilà comment des acheteurs professionnels décrivent les représentants avec qui ils font affaire.

Les vieux clichés ont la vie dure, soupirent les accusés.

Pour connaître leur perception des représentants, DDI, une firme internationale de consultants en ressources humaines, a sondé 2700 acheteurs de grandes entreprises dans cinq pays occidentaux, dont le Canada.

Les résultats sont choquants pour une profession qui s'efforce d'acquérir un rôle de conseiller stratégique depuis une décennie.

«En général, les acheteurs ont l'impression que les représentants ne les écoutent pas, qu'ils se montrent trop insistants et ne connaissent même pas leurs propres produits et services», constate Suzanne Gagnon, CRHA, directrice des services de consultation de DDI Canada.

Quand on a demandé aux acheteurs s'ils seraient fiers de se dire représentants, 41% ont répondu non. «Il y a de très bons représentants, mais ils ne parviennent pas à effacer, dans l'imaginaire collectif, l'image du fameux vendeur de voitures ou d'aspirateurs», remarque Mme Gagnon.

Les préjugés

Le conférencier Roger Saint-Hilaire donne des cours de vente depuis 1972. Il connaît bien les préjugés entourant la profession.

«Des compagnies me font venir pour former leurs représentants, mais elles me disent: Ne leur parle surtout pas de vente, tu vas les insulter!»

Évidemment, à la quantité de vendeurs qu'on rencontre dans une vie, il y en a qui ne sont pas à leur place, souligne M. Saint-Hilaire. D'ailleurs, 70% des gens qui débutent dans le métier lâchent au cours des deux premières années, dit-il.

Ce phénomène crée de l'insatisfaction chez les acheteurs, qui disent vouloir de bons conseils avant tout.

«Il y a tellement de roulement dans ce métier que souvent, je connais mieux les produits que le type qui vient me les vendre», déplore Daniel Gélinas, acheteur pour une grosse boîte de sonorisation et d'éclairage.

Les représentants ne font pas toujours leurs devoirs non plus, selon Lyne Plamondon, acheteuse chez Warnex inc., un laboratoire d'analyse pharmaceutique et médicale.

«Certains représentants me font penser à des peddlers. Ils veulent te rencontrer même s'ils n'ont pas pris le temps de se renseigner sur ta compagnie. On dirait qu'ils ont des quotas de visites.»

Difficile dans ces conditions d'établir un lien de confiance, ce qui est le deuxième souhait des acheteurs, selon la recherche de DDI.

«J'apprécie les représentants fiables et transparents, indique Mme Plamondon. Je n'aime pas ceux qui ne respectent pas leurs engagements et qui donnent toutes sortes d'excuses bidons. Des fois, ça a des conséquences sur mes propres clients, à qui j'avais promis tel produit pour telle date.»

En troisième lieu, les acheteurs sondés par DDI au Canada ont accordé autant d'importance à deux éléments: la flexibilité du représentant lors de la négociation des prix et sa bonne connaissance du marché.

«Bien branchés, les représentants peuvent aider les entreprises à lire le marché et à agir de manière stratégique», explique Mme Gagnon.

On ne peut pas mettre tout le monde dans le même panier, note l'acheteur Daniel Gélinas. Des représentants fantastiques, prêts à se fendre en quatre, ça existe, dit-il.

«Souvent, ce sont des experts dans leur domaine. Ils sont très précieux car ils peuvent nous apporter une solution à laquelle on n'avait pas pensé.»

L'insistance

Pour Cindie, un acheteur qui travaille pour une compagnie dans le domaine de la distribution, un bon représentant, c'est quelqu'un qui connaît son produit et qui est capable de lui en apprendre.

«Des fois, ils promettent la lune et sont trop insistants, mais en général, j'ai une très bonne opinion de cette profession.»

La recherche de DDI a révélé qu'internet est la première source d'information des acheteurs. Ces derniers attendent donc du représentant qu'il aille au-delà de la simple démonstration de produit, précise Suzanne Gagnon.

Les très grandes entreprises l'ont compris et cherchent à transformer le profil de leur équipe de vente.

Les représentants ayant une bonne faculté d'écoute ont la cote. Il faut recycler les vendeurs à l'ancienne mode et former les nouveaux, poursuit la directrice.

«Dans les années 70, j'étais tout seul à donner des cours, se rappelle Roger Saint-Hilaire. Aujourd'hui, la concurrence est forte. Ça fait avancer l'industrie.»

Acheteurs et représentants sont condamnés à s'entendre. Si les premiers sont prêts à traiter les deuxièmes d'égorgeurs (un qualificatif mentionné dans les entrevues avec DDI), pas moins de 85% des acheteurs estiment cependant que leurs adversaires ont leur intérêt à coeur, du moins en partie.

Étranges relations humaines.