Face à la vague actuelle de fusions-acquisitions, la firme conseil québécoise Secor et le Conference Board lancent un projet de recherche afin de vérifier si le Canada est en train d'être dépouillé de ses entreprises emblématiques («hollowing out»).

Face à la vague actuelle de fusions-acquisitions, la firme conseil québécoise Secor et le Conference Board lancent un projet de recherche afin de vérifier si le Canada est en train d'être dépouillé de ses entreprises emblématiques («hollowing out»).

Fait intéressant, ce sont de grandes sociétés canadiennes qui financeront le projet de recherche, considéré comme «majeur» par Secor.

La firme est «préoccupée» depuis plus d'un an de l'importance croissante des prises de contrôle étrangères, a expliqué lundi dans un entretien téléphonique Kenneth Smith, associé directeur chez Secor à Toronto. Ces inquiétudes rejoignent celles, exprimées ces derniers mois, par les dirigeants de sociétés comme Bombardier, Power Corporation et la Financière Manuvie.

«Nous sentions qu'une analyse plus poussée était nécessaire afin, peut-être, de recommander un réalignement des politiques publiques sur la question», explique M. Smith.

Mais selon lui, les dirigeants d'entreprises et les membres des conseils d'administration doivent aussi se remettre en question.

«La situation commande un changement d'attitude à la fois des leaders d'affaires et des gouvernements», soutient l'associé de Secor.

«Comment le Canada peut-il sortir gagnant de ce mouvement mondial de consolidation? demande-t-il. Pour l'instant, on a plus l'impression d'être des spectateurs que des joueurs qui veulent gagner.»

L'étude se met en branle alors que deux fleurons nationaux, Bell Canada et Alcan, sont sur le point de changer de mains. Lorsque les transactions auront été approuvées, Bell sera détenue à 41 % par des intérêts américains (les firmes d'investissement privé Providence et Madison Dearborn), tandis qu'Alcan deviendra une filiale du géant australo-britannique Rio Tinto.

Comparaisons transnationales

Secor et le Conference Board compareront les fusions-acquisitions qui visent des entreprises canadiennes et celles, initiées par des compagnies d'ici, qui touchent des sociétés étrangères.

Le Conference Board s'intéressera plus particulièrement aux conséquences de ces transactions sur les sièges sociaux canadiens, les firmes de services professionnels (dont les principaux clients sont des grandes entreprises), les marchés financiers et la société en général.

Enfin, le projet de recherche étudiera le système d'examen des transactions au Canada et dans d'autres pays, les taxes sur le capital et la réglementation des valeurs mobilières.

D'autres pays sont plus avancés dans leur réflexion sur le sujet et ont déjà pris des mesures pour protéger leurs «champions nationaux», fait remarquer Ken Smith, en ajoutant que l'un des objectifs du projet de recherche sera de colliger des données à cet égard.

Le Conseil canadien des chefs d'entreprise (CCCE) collaborera avec Secor et le Conference Board en partageant ses propres études sur le sujet, qui s'appuient sur l'expérience personnelle des dirigeants.

Secor, le Conference Board et le CCCE mèneront chacun leurs études, dont les résultats seront publiés séparément. Le fruit des recherches sera dévoilé lors d'un forum des leaders des secteurs public et privé qui se tiendra à la fin 2007 ou au début 2008.

Plus tôt ce mois-ci, le gouvernement fédéral a annoncé la mise sur pied d'un groupe d'étude sur les politiques en matière de concurrence, qui examinera en particulier les fusions-acquisitions.

Le groupe d'étude doit procéder à un examen de la Loi sur la concurrence et de la Loi sur Investissement Canada, en se penchant plus particulièrement sur le traitement réservé aux entreprises d'Etat étrangères lorsque ces dernières veulent acquérir des entreprises canadiennes.

Le groupe évaluera en outre la possibilité d'ajouter une disposition législative sur l'examen des investissements pour raison de sécurité nationale.

Le groupe d'étude s'intéressera également aux restrictions sectorielles qu'impose le Canada dans les domaines de l'investissement étranger direct, de même qu'aux régimes en vigueur dans d'autres pays, de façon à évaluer leur réciprocité avec ceux du Canada.

Secor et le Conference Board espèrent que leurs propres conclusions pourront alimenter les travaux du groupe d'étude fédéral, qui doit publier son rapport d'ici le 30 juin 2008.