Le capital de risque ne pleut pas sur les entreprises des biotechnologies parce que seuls les investisseurs patients osent s'y risquer. Et ils ne sont pas nombreux car toute compagnie qui met plus de cinq ans à performer n'a pas la cote auprès des actionnaires qui exigent du rendement à court terme.

Le capital de risque ne pleut pas sur les entreprises des biotechnologies parce que seuls les investisseurs patients osent s'y risquer. Et ils ne sont pas nombreux car toute compagnie qui met plus de cinq ans à performer n'a pas la cote auprès des actionnaires qui exigent du rendement à court terme.

Or les biotechs sont des entreprises qui peuvent rapporter beaucoup d'argent à la condition d'être patients, plaide Martin Godbout, le pdg de Genome Canada, qui présidait cette semaine, à Québec, la tenue d'une première conférence mondiale sur la génomique. Selon lui, il faut compter au minimum 10 ans avant qu'une biopharmaceutique n'obtienne des résultats concluants.

Malheureusement la génomique fait partie des secteurs des sciences de la vie boudés par les investisseurs parce qu'elle exige trop de temps et d'argent avant d'être rentable, reconnaît M. Godbout.

C'est pour garantir le financement de cette industrie prometteuse que Genome Canada a vu le jour en l'an 2000. À la différence des bailleurs de fonds traditionnels, Genome Canada propose du capital de risque à but non lucratif, explique Martin Godbout. "Ça ne veut pas dire qu'on ne génère pas des rendements et des retombées. Bien au contraire, avance-t-il, mais les gains à court terme ne sont pas la priorité."

En six ans, Genome Canada qui a des antennes dans les provinces et territoires a réussi à constituer un fonds de 1,4 milliard $ grâce à la contribution des gouvernements fédéral et provincial et à l'apport de fondations privées, de compagnies, de multinationales. Au cours de cette période, plus d'une centaine de projets de recherche ont été réalisés "dont plusieurs ont eu un impact majeur sur la vie des Canadiens", assure M. Godbout. Il cite l'exemple de l'épidémie de SRAS qui, en 2003, avait frappé la ville de Toronto. En moins de 48 heures, Genome Canada avait déniché deux spécialistes de la génomique qui ont séquencé dans un temps record la bactérie responsable de l'infection. Ce qui a contribué à résorber la crise beaucoup plus rapidement, signale-t-il.

Même chose pour la maladie de la vache folle décelée sur des bovins albertains et pour laquelle des équipes scientifiques supportées par Genome Canada ont séquencé le gène défectueux avec un budget 10 fois petit que celui des Américains. Et au nombre des problèmes à solutionner, on pourrait citer la bactérie C difficile toujours présente dans les hôpitaux du Québec.

Aux yeux de M. Godbout, ces exemples constituent des applications concrètes de ce que fait Genome Canada. Mais pour y arriver, l'organisme applique des critères de sélection très sévères. "Nous n'investissons pas d'argent à l'aveuglette, indique le président. Nous procédons par appel d'offres. Et chaque soumission est étudiée par un comité d'experts international totalement indépendant." De plus pour chacun des projets, Genome Canada exige une présentation scientifique hors pair, une estimation détaillée des coûts et de la durée des travaux. "Une fois le contrat accordé, nous procédons ensuite à la nomination d'un gérant de projet pour être certain que les budgets et les échéances soient respectés." Par ailleurs, Genome Canada n'investit jamais plus de 50 % en capital de risque. Le reste provient de fondations, d'organismes ou de multinationales, des gouvernements des provinces.

Même si l'industrie de la génomique est relativement jeune, M. Godbout croit que sa croissance sera importante. Grâce au séquençage du génome humain complété en 2003, le développement de nouveaux traitements en santé risque de prendre beaucoup moins de temps qu'auparavant, dit-il, car depuis qu'on a établi la carte des 25 000 gènes qui composent le génome humain, on peut localiser les gènes responsables de maladies génétiques de façon presque routinière. Ce qui signifie que les recherches devraient aboutir plus vite à la découverte de nouveaux médicaments et tests susceptibles de guérir des maladies aussi courantes que le diabète, l'artériosclérose, l'hypercholestérolomie qui, chaque année, coûtent des millions de dollars à notre système de santé.

lfournier@lesoleil.com

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