Patricia Voyer voyait souvent les publicités de Sommeil Davantage dans le magasine Le Bel Âge. En avril 2006, elle a acheté deux lits ajustables de 39 pouces, avec système de massage, pour un montant total de 7138 $ avec les taxes.

Patricia Voyer voyait souvent les publicités de Sommeil Davantage dans le magasine Le Bel Âge. En avril 2006, elle a acheté deux lits ajustables de 39 pouces, avec système de massage, pour un montant total de 7138 $ avec les taxes.

Dès la livraison, elle constate une série de problèmes. Le système de massage fait du bruit. Le tissu est mal installé sur les bases. Les matelas glissent et ne restent pas en place sur la base. Deux mois plus tard, un des matelas s'est affaissé d'environ un pouce et demi et une bosse s'est formée dans le tissu à l'endroit où le lit plie.

Sommeil Davantage lui offre de réparer certains défauts et d'échanger certaines composantes de ses lits. Mais Mme Voyer a perdu confiance : «Pour un lit qui devait être la Cadillac, ça fait pas mal de problèmes», dit-elle.

Mme Voyer demande alors à un matelassier indépendant d'évaluer son lit. Il lui apprend, entre autres, que son matelas ne contient pas 768 ressorts, comme le vendeur le lui avait dit.

Mme Voyer ne désire plus qu'une seule chose : annuler la transaction. Sommeil Davantage offre de la rembourser... mais seulement à 50%. Non merci! Mme Voyer porte plainte à l'Office pour la protection du consommateur. Puis, elle loge une poursuite à la cour des petites créances. Entre temps, elle rachète un matelas, de 900 $, chez un autre commerçant.

Tout pour satisfaire la cliente

Marc Lavoie, contrôleur chez Sommeil Davantage, aurait préféré réussir à satisfaire sa cliente, en échangeant son lit contre un modèle qui lui aurait donné entière satisfaction.

Il a expliqué à La Presse Affaires que son entreprise, positionnée dans le haut de gamme, mise sur le service. «On renvoie nos techniciens. On ne lâche pas nos clients. S'il faut retourner 10 fois, chez vous, on va le faire. On va le changer jusqu'à temps que vous soyez content», affirme-t-il.

Mais il comprend que Mme Voyer a été échaudée. Il consent donc à annuler la transaction, afin d'éviter d'aller en cour. «S'il faut la rembourser, on va la rembourser! Qu'elle appelle au service à la clientèle, demain matin, et on va régler ça», assure M. Lavoie.

Par contre il demeure convaincu que les défauts que Mme Voyer perçoit, n'en sont pas réellement.

À propos du bruit du système de massage, M. Lavoie explique que si les planchers sont en bois franc, il faut installer des sous pattes pour atténuer les vibrations, et éviter de régler le système à l'intensité maximale.

En ce qui concerne le matelas, effectivement, le lit de Mme Voyer ne contient pas 768 ressorts, mais plutôt la moitié. Mais ce n'est pas de la fausse représentation : les deux lits de 39 pouces sont vendus en paire, comme un format King. Ils contiennent donc chacun 384 ressorts, soit 768 en tout. Et cela est suffisant pour assurer le confort.

Quant à la bosse qui s'est formée où le lit plie, elle est inévitable, un peu comme le pli qui se forme dans la manche d'une chemise quand on plie le coude.

Finalement, M. Lavoie estime qu'il est normal qu'un matelas s'affaisse d'un ou deux pouces. Quand les gens se couchent sur le matelas, l'air sort de la mousse. C'est un phénomène normal de déflexion, explique François St-Pierre, directeur des ventes du fabricant du matelas, Literie Laurier.

«Même avec une mousse à haute densité, c'est impossible d'éviter ça», assure M. St-Pierre. Il précise que le rembourrage du lit de Mme Voyer est constitué de mousse de polyuréthane d'une densité de 2 livres par pied cube, soit le niveau nécessaire pour prévenir les affaissements, selon Protégez-Vous. Le magazine a justement publié cette semaine un dossier complet sur les matelas.

Les conclusions sont troublantes. Une série de tests sur 11 matelas de marques connues, démontrait qu'aucun n'était parfaitement recommandable. Plusieurs contenaient moins de 510 ressorts, le minimum acceptable pour un format Queen. Aucun n'était rembourré avec une mousse d'assez haute intensité.

Une cause pas gagnée d'avance

Heureusement que Sommeil Davantage a accepté de rembourser sa cliente, car la cause de Mme Voyer aux petites créances n'était pas gagnée d'avance.

La Loi sur la protection du consommateur stipule qu'un bien doit pouvoir servir à un usage normal pour une durée raisonnable. La Loi précise aussi que ce bien doit être conforme aux déclarations ou à la publicité qui en est faite par le commerçant. «Le problème se trouve dans l'exécution de la Loi», indique Pierre-Claude Lafond, professeur de droit à l'UQAM.

Quels sont les recours à la disposition du client insatisfait? En général, il est préférable qu'il s'adresse immédiatement au commerçant, et qu'ils s'entendent à l'amiable. Le commerçant peut offrir un crédit, des réparations à ses frais, un remboursement... Mais le client ne peut pas exiger l'annulation du contrat. «Il est à la merci de l'offre du commerçant», dit M. Lafond.

Si le commerçant refuse d'annuler la transaction, le client insatisfait doit se rendre en cour. Seul un juge peut ordonner au commerçant de reprendre le bien et de rembourser le client.

Par exemple, en 2003, le tribunal a annulé la vente d'un lit ajustable de 5 800$, acheté chez Sommeil Davantage. Les clients qui demeuraient dans un triplex, étaient incapables d'utiliser le système de massage qui causait trop de bruit dans l'immeuble. Tout de suite après la livraison du lit, les clients avaient réclamé l'annulation du contrat, dans une mise en demeure au commerçant. Ensuite, ils n'avaient plus utilisé le lit... un élément clé.

«Lors de l'annulation d'un contrat, il y a un principe qui veut qu'on doive remettre les parties dans leur état initial», indique M. Lafond. Il serait bien difficile pour Mme Voyer de rendre le lit dans son état original, puisqu'elle l'utilise depuis près d'un an... et que sa cause ne serait probablement pas entendue à la cour des petites créances avant une autre année.

Mais avait-elle vraiment le choix? Il est possible de ranger dans une armoire un bien de plus petite taille et de ne pas l'utiliser. Mais un lit? Il aurait fallu que Mme Voyer le fasse entreposer et qu'elle s'en achète un autre, sans assurance de gagner sa cause!

En théorie, c'est ce qu'elle aurait dû faire. «Mais dans la pratique, personne ne fait ça», dit M. Lafond.

Le juge aurait quand pu décider d'annuler la transaction, dans un jugement d'équité envers Mme Voyer. Mais s'il avait choisi d'appliquer la loi à la lettre, il aurait plutôt ordonné une réduction du prix de vente.

Cette méthode s'applique lorsque le client ne peut rendre le bien dans son état original. Le juge détermine alors le montant qu'il a payé en trop, compte tenu de la qualité inférieure du produit. Le client conserve le bien, mais le marchand est forcé de lui rendre le montant de la réduction.

Écrivez-Nous

Vous êtes tombé dans un piège ? Vous souhaitez dénoncer des pratiques commerciales douteuses ? Faites-nous part de vos problèmes de consommation. Écrivez-nous en fournissant vos coordonnées.

Notre adresse :

À VOS AFFAIRES

La Presse / Rédaction

7, rue Saint-Jacques

Montréal, Québec, H2Y 1K9

Notre courriel : avosaffaires@lapresseaffaires.com

a/s Stéphanie Grammond

Journaliste

La Presse Affaires

514 285-7070