Le projet hydroélectrique lancé hier par le premier ministre Jean Charest n'a pas le côté pharaonique de la Baie-James de Robert Bourassa. Il s'agit tout de même d'une enveloppe de 5 milliards, de travaux qui emploieront jusqu'à 4000 personnes et de deux nouvelles centrales capables de produire assez d'électricité pour alimenter 425 000 foyers. Le projet entraînera aussi la déviation de la rivière Rupert, d'où l'opposition de groupes écologistes et de certains Cris.

Le projet hydroélectrique lancé hier par le premier ministre Jean Charest n'a pas le côté pharaonique de la Baie-James de Robert Bourassa. Il s'agit tout de même d'une enveloppe de 5 milliards, de travaux qui emploieront jusqu'à 4000 personnes et de deux nouvelles centrales capables de produire assez d'électricité pour alimenter 425 000 foyers. Le projet entraînera aussi la déviation de la rivière Rupert, d'où l'opposition de groupes écologistes et de certains Cris.

Hydro-Québec n'a pas encore commencé à remuer la terre de la Baie-James pour construire la centrale Eastmain-1-À et dévier la rivière Rupert que la facture totale du projet a déjà grimpé de 25 %.

Le projet hydroélectrique le plus important des 10 dernières années a été lancé en grande pompe, hier, au siège social d'Hydro-Québec, en présence du premier ministre Jean Charest, du grand chef des Cris Matthew Mukash et de plusieurs députés, maires et ministres.

«C'est un moment qu'on espérait depuis plusieurs années», a lancé à la salle bondée le président-directeur général d'Hydro, Thierry Vandal, qui avait appris quelques mots de la langue crie pour l'occasion.

Le coût de l'aménagement de deux nouvelles centrales et la dérivation de la rivière Rupert est maintenant estimé à 5 milliards de dollars, soit 1 milliard de plus que prévu jusqu'à maintenant. L'évaluation du projet date de 2004 et a dû être rajustée, a expliqué Thierry Vandal.

Selon lui, l'augmentation de 25 % s'explique par l'inflation des coûts de construction, par des éléments imprévus et par le fait que les travaux ont été accélérés. L'accélération sera très payante pour Hydro, qui touchera plus rapidement des revenus de la vente de l'électricité produite par Eastmain-1-A, a assuré M. Vandal.

Il a précisé qu'Hydro-Québec espère vendre cette énergie à au moins 8 cents le kilowattheure. Le coût de production révisé des nouvelles installations s'établit à 5,1 cents le kilowattheure, comparativement à 4,4 cents. Le projet reste très rentable pour Hydro malgré la hausse des coûts, a assuré son président, qui s'est dit confiant de pouvoir respecter le nouveau budget de 5 milliards.

Il n'y a pas que des heureux

Malgré l'opposition des communautés cries et même s'il reste encore des permis et des autorisations à venir du gouvernement fédéral, les travaux ont commencé dès hier à proximité de la rivière Rupert. En plus du détournement de cette rivière sur plus de 300 km, le projet prévoit la construction de deux centrales, Eastmain-1-À et Sarcelle, de quatre barrages et de 72 digues.

Le chef du Grand Conseil des Cris a été le seul invité à ne pas se réjouir de ce nouveau bouleversement du territoire nordique. «Beaucoup de Cris sont tristes aujourd'hui», a-t-il dit, en précisant qu'il avait lui-même des sentiments partagés sur le développement hydroélectrique.

Les travaux dureront six ans et ils généreront des emplois pour environ 4000 personnes par année. Après leur mise en service qui s'échelonnera entre 2009 et 2012, les nouvelles installations produiront 8,5 milliards de kilowattheures, soit suffisamment d'énergie pour alimenter une ville comme Québec.

Les Cris se sont vu promettre des retombées économiques équivalant à 15 % du coût du projet, soit 240 millions. Le Nord-du-Québec, l'Abitibi-Témiscamingue et le SaguenayLac-Saint-Jean devraient se partager des retombées estimées à 532 millions.

Pour l'Ontario

Pour la première fois, le premier ministre Charest a clairement indiqué hier qu'une partie de cette énergie supplémentaire était destinée à l'Ontario. «L'hydroélectricité est un outil de développement pour le Québec, a-t-il dit, mais c'est aussi un moyen de créer de la richesse en exportant.» Il a tout de suite après rappelé que son gouvernement avait autorisé Hydro-Québec à construire une nouvelle interconnexion avec la province voisine, un investissement de près de 700 millions. Ce nouveau lien sera prêt en 2010, à temps pour recevoir la production supplémentaire provenant d'Eastmain-1-À dérivation Rupert.

Cette nouvelle interconnexion et la marge de manoeuvre améliorée d'Hydro-Québec ouvrent la porte à un contrat de vente à long terme entre les deux provinces, ce qui serait une première. Jusqu'à maintenant, Hydro-Québec s'est toujours contentée de vendre de l'énergie de façon ponctuelle à l'Ontario, pour alimenter les climatiseurs pendant l'été.

Pour sa part, le ministre des Ressources naturelles, Pierre Corbeil, a souligné que la marge de manoeuvre d'Hydro-Québec servirait à alimenter le Fonds des générations, dont l'argent sera utilisé pour rembourser la dette du Québec.

Comme prévu, les gens d'affaires ont accueilli avec beaucoup d'enthousiasme le lancement des travaux d'Eastmain-1-A. Le Conseil du patronat, la Fédération des chambres de commerce du Québec et les Manufacturiers et exportateurs du Québec estiment que le projet est bon pour le Québec et bon pour l'environnement.

Du côté des environnementalistes, le projet est plutôt jugé inutile et nuisible. La Fondation Rivières, qui a tenté sans succès de sauver la Rupert du détournement, croit que l'annonce d'hier s'explique par l'approche des élections. «On a dit dès le départ que le projet était mal ficelé du point de vue des coûts, a commenté Anne-Marie Saint-Cerny, porte-parole de la Fondation. L'annonce d'aujourd'hui (hier) était précipitée et s'inscrit dans un contexte électoraliste», a-t-elle ajouté.