Elles alimentent la «confiance» qui a cours habituellement envers les titres que négocient les intervenants des marchés financiers.

Elles alimentent la «confiance» qui a cours habituellement envers les titres que négocient les intervenants des marchés financiers.

De fait, leurs avis influencent la gestion de centaines de milliards de dollars en placements financiers, aux quatre coins du monde. Les investisseurs plus conservateurs, comme les caisses de retraite, en dépendent directement.

Peu étonnant, donc, que les firmes de notation telles que Moody's, Standard & Poor's et DBRS soient montrées du doigt pour la débâcle du marché des titres de papier commercial adossé à des actifs. (PCAA).

Cette débâcle, provoquée par le trop-plein des prêts hypothécaires de mauvaise qualité aux États-Unis, déferle sur les marchés financiers depuis un mois.

Les principales Bourses du monde l'ont subi de plein fouet, avec leurs indices phare ayant reculé jusqu'à 10% depuis un mois.

Mais après ces tumultes boursiers, il faut payer les pots cassés. Et trouver des «responsables», du point de vue de dirigeants politiques et de certains banquiers, qui craignent pour leur réputation publique.

D'autant que l'ampleur des pertes du marché des PCAA aux États-Unis, et leurs ramifications internationales, demeurent imprécises.

Dans ce contexte, les firmes de notation, qui avaient pris charge de surveiller le risque de ces titres de PCAA, donnent l'impression d'avoir fait de coûteuses erreurs de jugement.

On les soupçonne aussi d'avoir trop tardé à sonner l'alarme, par crainte présumée de nuire à une partie de leur clientèle: les émetteurs et gestionnaires de PCAA.

En Europe, des chefs d'État réclament un examen des autorités financières sur les pratiques des firmes de notation. Des dirigeants de la Commission européenne promettent de le faire très bientôt.

Aux États-Unis, des élus fédéraux à Washington réclament un examen et une nouvelle réglementation envers les firmes de notation de crédit.

Au Sénat américain, l'influent «Comité des services bancaires» prépare des audiences cet automne sur les firmes de notation.

Le ton s'annonce acrimonieux, avec les grands patrons de firmes comme Moody's et S&P défilant devant le comité et les médias comme des malfrats financiers.

Déjà, le président de ce Comité sénatorial, le démocrate Chris Dodd, clame publiquement depuis quelques jours que les firmes de crédit ont eu un «rôle clé» dans la débâcle des PCAA.

«Elles doivent assumer une certaine responsabilité. Comment ont-elles pu accorder des bonnes cotes à ces titres composés de mauvais prêts? Les investisseurs ont acheté ces titres en raison de ces bonnes cotes», selon le sénateur Dodd.

Au Canada

Au Canada, les autorités financières demeurent muettes envers le rôle des firmes de notation.

Même le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a esquivé la question en début de semaine, lors de propos sur les mesures des banques pour stabiliser le marché du PCAA.

D'ailleurs, ces banques, dont la Nationale, qui annonçait lundi le rachat de 2 milliards en titres de PCAA afin de couvrir ses clients de fonds de placement, tentent aussi de diriger le blâme vers les firmes de notation.

En particulier, Dominion Bond Rating Services (DBRS) de Toronto, la plus impliquée dans le marché canadien des "produits financiers structurés", dont font partie les titres de PCAA.

Son directeur général, Huston Loke, a admis dans la presse d'affaires torontoise que DBRS révisait sa façon d'évaluer le risque des titres de PCAA.

Mais il soutient aussi que la firme avait avisé ses clients depuis des mois à propos du risque accru de certains titres de PCAA, après la modification de leur contenu par leurs émetteurs.

Aussi, selon DBRS, les tumultes sur Bay Street depuis deux semaines furent amplifiés par le refus soudain des banques de donner suite à leurs ententes de financement des firmes de PCAA, en cas de coup dur.

Qui a tort, qui a raison?

"Les intervenants des marchés financiers cherchent toujours des coupables ailleurs que chez eux lorsque survient un mauvais événement", résume Alan White, professeur et chercheur en risque financier à l'École de gestion Roman, à l'université de Toronto.

"Dans cette crise des PCAA, comme lors de crises antérieures en Bourse, les firmes de notation font partie d'un engrenage d'intervenants qui ont tous profité de l'embolie du marché des prêts hypothécaires à risque aux États-Unis."

Pour Jean Roy, professeur en finances à l'École des HEC, à Montréal, le rôle attribué aux firmes de notation tend à faire oublier leur statut "d'entreprises d'informations financières qui veulent grossir et faire des profits".

"En contrepartie, toute leur valeur d'entreprise repose sur leur crédibilité et leur réputation, dans un marché concurrentiel. Je m'attends donc à ce que ces firmes de notation ajustent rapidement leurs méthodes à propos des titres de PCAA, s'il y a lieu."

Selon M. Roy, une avenue de changement pourrait être l'accélération des révisions de cotes dans le cas de titres à plus haut risque.

"Les firmes de notation ont tendance à réagir sur le tard lorsque survient une situation comme la crise de liquidités du marché des titres de PCAA."

Jean Roy cite l'achat par la firme Moody's, il y a quelques années, d'une firme ayant développé une technologie d'évaluation du risque de crédit d'un émetteur de titres en fonction des fluctuations de sa cote boursière, à court terme.

Mais pour une gestionnaire de gros placements en titres de dette à Toronto, qui a requis l'anonymat, c'est aussi l'usage des cotes émises par les firmes de notation qui doit être remis en question.

"Pour tout bon gestionnaire de placements, les avis de firmes de notation ne devraient être qu'une partie des informations pour évaluer le risque de certains titres, a-t-elle indiqué.

"Il faut aussi faire sa propre recherche, en fonction des objectifs de ses clients investisseurs."

Notation de crédit: les meneurs d'un marché très rentableStandard & Poor's (S&P)

Réseau : 8500 employés dans 42 bureaux et 21 pays

Marché : notation de 34 000 milliards US de titres de dette négociés dans 100 pays, analyse d'actions de 2000 entreprises, indices boursiers affectant 1500 milliards US en placements

Moody's Corp.

Réseau : 3000 employés dans 35 bureaux et 26 pays

Marché : notation de titres de dette négociés de 100 pays souverains, de 12 000 entreprises, de 29 000

gouvernements régionaux/locaux et organismes publics, ainsi que 96 000 produits financiers dérivés

Fitch Ratings

Réseau : 2800 employés dans 51 bureaux et 36 pays (dont filiale Algorythmics)

Marché : notation de titres de crédit négociés dans 90 pays, dont 2000 compagnies d'assurances

Dominion Bond Rating Service (DBRS)

Réseau : 270 employés, bureaux à New York, Chicago, Londres, Paris, Francfort

Marché : notation de 2300 émetteurs privés et publics de titres de dette négociés au Canada, aux États-Unis et en Europe.