Les sociétés de consommation occidentales transforment le yoga en une industrie de plusieurs milliards de dollars, très éloignée de sa vocation spirituelle, accuse un documentaire présenté au 14e festival Hot Docs de Toronto.

Les sociétés de consommation occidentales transforment le yoga en une industrie de plusieurs milliards de dollars, très éloignée de sa vocation spirituelle, accuse un documentaire présenté au 14e festival Hot Docs de Toronto.

«Quand une industrie est aussi importante (que le yoga), sa commercialisation est inévitable. Il y aura toujours des gens qui gravitent autour pour se remplir les poches», explique John Philp, le réalisateur de Yoga Inc.

Selon ce film, présenté en première lors du festival qui se déroule jusqu'à aujourd'hui à Toronto, l'industrie dérivée du yoga se chiffre en Amérique du Nord à quelque 18 milliards de dollars.

Intrigué par la contradiction apparente entre les idéaux de sérénité et de sagesse prônés par l'ancienne discipline indienne et l'atmosphère de compétition qui l'entoure, Philp interroge des vainqueurs de tournois professionnels, des propriétaires de salles et des amateurs opposés à la dérive commerciale.

Il a suivi à Los Angeles le célèbre professeur de yoga Bikram Choudhury, père du «yoga Bikram», une technique particulière qui se pratique dans une pièce chauffée à 42 degrés et qui tient la vedette dans plus de 750 écoles portant son nom à travers le monde.

Le réalisateur, lui-même un fervent adepte du yoga, relève que si dans les années 1960, cette discipline était liée aux cultures alternatives, aujourd'hui elle est considérée par la plupart des Occidentaux comme une simple technique de mise en forme.

«Au lieu d'apprendre le yoga pour ses aspects méditatifs et spirituels, la plupart des gens ne cherchent qu'à avoir une belle silhouette, explique-t-il.

Interrogé dans le documentaire sur les raisons qui le poussent à publier des photos de femmes ressemblant à des mannequins, John Abbot, PDG du Yoga Journal, remarque que «des corps normaux ne se vendent pas bien».

Il affirme que les recettes publicitaires de son magazine ont été multipliées par quatre depuis 2001, probablement grâce à ces photos vendeuses.

Le film montre aussi que les petites salles d'enseignement du yoga disparaissent sous la pression de la concurrence des grandes salles de gym, regroupées en chaînes.

Ces petites salles indépendantes sont généralement dirigées par des femmes, alors que les grosses entreprises qui monopolisent de plus en plus le marché sont dirigées par des hommes, a découvert John Philp, s'étonnant que «ce soit un secteur dominé par les hommes alors que les femmes représentent 75 % de la clientèle».

Bikram a menacé en 2003 de lancer une action en justice contre un groupe de professeurs de yoga qu'il accuse de violer ses droits d'auteurs, en copiant les 26 postures qu'il aurait inventées. Deux ans plus tard, un juge californien a confirmé que le «yoga Bikram» était protégé.

Pourtant, «il n'existe pas de lois stipulant textuellement qu'on peut violer les droits de propriété intellectuelle relatifs à une technique de yoga», note Philp.

Le gouvernement indien est lui-même entré dans le jeu, en créant l'année dernière un site internet qui détaille en ligne des pratiques traditionnelles indiennes dans le but de les protéger contre les brevets et les droits de propriété intellectuelle.