Ça sent bon dans les alentours de la nouvelle station de métro De la Concorde, à Laval. Une bonne odeur de bran de scie flotte dans l'air, gracieuseté des entreprises de transformation de bois qui jouxtent la station.

Ça sent bon dans les alentours de la nouvelle station de métro De la Concorde, à Laval. Une bonne odeur de bran de scie flotte dans l'air, gracieuseté des entreprises de transformation de bois qui jouxtent la station.

Ça sent bon, oui, mais les grands empilages de bois et les lourds camions qui se succèdent ne constituent peut-être pas l'environnement souhaité pour une station de métro.

Du côté de la station Montmorency, ça sent plutôt la terre. De vastes terrains vagues s'étendent autour de la station, aux côtés du Cégep Montmorency, de rares immeubles à condos et de quelques commerces à grande surface.

On voit que certains de ces terrains sont en voie de donner naissance à de nouvelles rues et à des bâtiments résidentiels, mais d'autres ont encore un petit air désolé, avec quelques arbres maigrichons piqués çà et là.

Du côté de la station Cartier, on ne perçoit aucune odeur vaguement bucolique. Les autos et les autobus se succèdent sur le boulevard des Laurentides, entre une pléthore de petits commerces qui ont vu de meilleurs jours.

Laval nourrit de grands espoirs pour les environs de ses trois nouvelles stations de métro: elle entrevoit du développement pour Montmorency et du re-développement pour Cartier et De la Concorde. Mais d'une manière plus générale, Laval n'a pas vraiment calculé les impacts économiques du prolongement du métro sur son territoire.

«Nous n'avons pas vraiment de détails là-dessus», admet Jean-Claude Beaudry, assistant au directeur du module des communications de la Ville.

Du côté de l'Agence métropolitaine des transports (AMT), on n'a que trois chiffres à offrir: on parle de 50 000 déplacements par jour pour les trois nouvelles stations lavalloises, dont 6000 nouveaux déplacements. Cela signifie que 3000 voitures de moins franchiront les ponts entre les deux îles.

«Ça ne changera pas la face de Laval», affirme Paul Lewis, professeur à la faculté d'aménagement et d'urbanisme de l'Université de Montréal.

Il indique que l'ouverture des nouvelles stations de métro ne changera pas grand-chose pour la grande majorité des Lavallois, ceux qui ne se déplacent qu'en voiture.

Ceux qui habitent tout près des stations seront les grands gagnants puisqu'ils n'auront pas besoin d'un autobus pour se rendre au métro à Montréal.

Les autres continueront à prendre l'autobus pour se rendre aux nouvelles stations, ou encore pour circuler à l'intérieur de la ville de Laval. Et il est peu probable que les Montréalais partent en métro pour aller magasiner à Laval.

«Le grand pôle commercial de Laval va demeurer le Carrefour Laval, note M. Lewis. Or, il n'est pas à côté du métro.»

Et même s'il l'était... M. Lewis rappelle qu'il n'y a pas beaucoup de Montréalais qui prennent le métro pour aller magasiner à Place Versailles, pourtant très accessible par métro. S'ils doivent prendre le métro, les gens préfèrent plutôt aller au centre-ville.

«Il n'y aura pas de grandes retombées sur le plan commerciale», estime-t-il.

Il donne l'exemple de la station Henri-Bourassa. Il y a plus de 15 ans, un supermarché Steinberg a fermé ses portes à courte distance de marche de cette station extrêmement achalandée et du terminus de la Société de transport de Laval. Rien ne l'a remplacé de façon durable, les mauvaises herbes poussent dans son ancien stationnement.

Il donne également l'exemple de la station Saint-Laurent.

«Quarante ans après l'ouverture du métro, il n'y a rien autour, alors que c'est un espace stratégique au centre-ville de Montréal», fait-il observer.

Sylvain Dubois, directeur du service de l'urbanisme de Laval, reconnaît que certaines stations montréalaises n'ont eu aucun impact visible sur leur secteur, ou alors, ça a pris beaucoup de temps. Ainsi, il a fallu une bonne quinzaine d'années pour que des tours, comme celle de la FTQ, surgissent auprès de la station Crémazie. C'est encore pire pour la station Sauvé.

«Il y a un cimetière à côté, rien n'a levé», déclare-t-il, non sans humour.

M. Lewis s'attend toutefois à ce qu'il «se passe quelque chose» à Laval. Le Cégep Montmorency devrait devenir plus accessible pour les Montréalais. De petits édifices de bureaux pourraient apparaître.

«Il y aura une densification, il y aura une zone un peu plus piétonne, mais cela ne voudra pas dire que Laval deviendra tout d'un coup l'équivalent du Plateau Mont-Royal», affirme-t-il.

L'impact devrait surtout se ressentir du côté résidentiel.

«On peut imaginer qu'il y aura des immeubles résidentiels qui vont se vendre plus facilement ou qui vont se construire plus rapidement dans la zone près des stations de métro», déclare-t-il.

Une tour de 23 étages, la plus haute de toute la ville, est justement en train d'émerger à quelques minutes de marche de la station Montmorency. Eddy Savoie, le propriétaire des Résidences Soleil, explique que jamais son entreprise familiale n'aurait investi dans un projet de cette ampleur, une résidence pour personnes âgées de 700 appartements, sans la présence de la station.

«Le métro est un facteur important, affirme-t-il. Ce ne sont pas toutes les personnes âgées qui ont une voiture, et les enfants qui demeurent à Montréal pourront facilement visiter leurs parents.»

Tout près, le projet de condos Urbania, qui a connu des délais, pourrait maintenant bénéficier de l'ouverture de la station Montmorency. La première phase devait compter neuf bâtiments. Seuls trois ont été construits jusqu'ici.

«Ça va très bien, soutient Sylvain Dubois. Ils veulent développer un quatrième bâtiment rapidement.»