Desjardins vient de déclarer la guerre aux comptables du monde entier.

Desjardins vient de déclarer la guerre aux comptables du monde entier.

Le conflit a commencé discrètement il y a quelques mois, alors que le président du Mouvement des caisses Desjardins, Alban D'Amours, s'est mis à sillonner les quatre coins du monde afin de contrecarrer la réforme des normes internationales de comptabilité, qui pourrait mettre en péril la survie de certaines coopératives.

L'objet du litige: les comptables songent à considérer les parts des coopératives comme des dettes plutôt que des capitaux.

Ce tour de magie comptable aurait de graves conséquences sur l'accès aux capitaux des coopératives, fait valoir Alban D'Amours.

«L'accès au capital, c'est le nerf de la guerre pour une coopérative. Nos rendements deviendraient plus élevés du jour au lendemain avec les règles proposées mais ce n'est pas ce que nous voulons. Nous voulons plutôt conserver notre accès aux capitaux», a dit M. D'Amours hier en marge d'un discours devant le Conseil des relations internationales de Montréal.

Si elles sont mises de l'avant, les règles comptables actuellement à l'étude auraient des conséquences néfastes pour Desjardins.

La coopérative québécoise verrait sa dette augmenter de 800 millions de dollars, résultat d'une diminution de son capital de première catégorie en vertu des règles comptables.

Or, le capital de première catégorie est le meilleur indicateur de la solidité d'une institution financière. Selon la revue The Banker, Desjardins se classe actuellement au 98e rang mondial sur 1000 institutions financières.

«Sur une capitalisation de 9 milliards, cette fluctuation de 800 millions n'est pas la fin du monde. Mais ces changements seraient problématiques pour d'autres coopératives qui manquent de capitaux. Quand je pense à ces autres coopératives, je suis inquiet», dit M. D'Amours, qui est aussi membre du conseil d'administration de l'Alliance coopérative internationale, un organisme regroupant 800 millions de membres dans le monde.

Alban D'Amours est si inquiet qu'il tente par tous les moyens de faire entendre raison aux deux grands organismes internationaux de comptabilité -le Financial Accounting Standards Board aux États-Unis et l'International Accounting Standards en Europe.

Les deux organismes prendront leur décision finale en 2008. «Disons que j'ai déjà été plus optimiste sur nos chances de faire valoir notre point de vue», dit-il.

Le président du Mouvement des caisses Desjardins a sa petite idée sur l'échec des négociations. Si les comptables sont si difficiles à convaincre, c'est qu'ils sont influencés par les grandes banques européennes, soutient-il.

«En Europe, les grandes banques envient les caisses d'épargne, dit M. D'Amours. Les banques considèrent que ces coopératives ont des privilèges qu'elles n'ont pas, notamment celui de ne pas avoir à se défendre contre une prise de contrôle hostile. Il y a aussi le fait que les coopératives ne paient pas d'impôt dans certaines parties du monde.»

Alban D'Amours a une autre raison d'être pessimiste: il ne s'agit pas du premier affrontement entre les comptables et le mouvement coopératif, et leurs duels se terminent rarement à l'avantage des coopératives.

«Nous nous sommes fait avoir il y a quelques années quand les comptables ont considéré que les ristournes étaient des dépenses de promotion afin d'attirer des membres plutôt que des dividendes versées aux membres, dit-il. Heureusement, nous avons pu leur tenir tête en continuant de présenter nos bilans avant ristournes à nos membres.»