Mardi matin. Le prix de l'essence atteint 1,10 $ le litre à Montréal.

Mardi matin. Le prix de l'essence atteint 1,10 $ le litre à Montréal.

Les 250 kilomètres de votre voyage pour Québec vont vous coûter 22 $ en essence.

La veille, le même trajet aurait siphonné 2,50 $ de moins dans votre portefeuille.

En dépit de la délicatesse de leur nom, ces raffineurs sont de grossiers exploiteurs, vous dites-vous.

Trêve de récriminations: votre déplacement pourrait plutôt vous rapporter 8 $, une fois l'essence déduite. Trois passagers seraient enchantés de vous verser chacun 10 $ pour les mener de la station de métro de votre choix au centre-ville de Québec.

L'entremetteur s'appelle Allo Stop.

Hé oui, la petite entreprise existe encore après 25 ans.

Elle compte maintenant quelque 60 000 membres. Plus de 150 000 voyageurs sont ainsi transportés chaque année.

Rappelons la formule: le passager doit payer 6 $ par année pour être membre d'Allo stop. La cotisation du conducteur est fixée à 7 $.

Allo stop a établi une série de trajets pour lesquels elle a fixé les tarifs. De ce montant, le passager débourse versera une part à l'entreprise, et le reste au conducteur. Ainsi, un aller Montréal-Québec lui coûte 16 $, dont 10 $ pour le conducteur.

La plupart du temps, les trois places disponibles — jusqu'à cinq, selon le véhicule — sont occupées.

L'inscription des départs et les réservations par les passagers se font par téléphone. Une quarantaine d'employés travaillent dans les 10 bureaux d'Allo stop, pour combiner au mieux conducteurs et passagers, et exclure les indésirables.

«Après 25 ans, il n'est encore rien arrivé, se félicite Joe Spratt, cofondatrice de l'entreprise. Près de 200 automobilistes ont été expulsés à vie. Lorsqu'on reçoit des plaintes pour vitesse ou pour un joint fumé au volant, on ne les tolère pas.»

Le point de vue du voyageur

Adoptons le point de vue du passager. Avec Allo stop, il lui en coûtera 32 $ pour aller de Montréal à Saguenay, plutôt que 90 $ en autocar ou 99 $ en train.

Le voyage sera souvent plus rapide qu'avec un transporteur en commun. À vitesse raisonnable (c'est-à-dire 100 km/h), le trajet Montréal-Saguenay peut se faire en cinq heures et demie, halte incluse, contre 6 h 30 en autocar.

La fréquence, dites-vous?

Vérification faite la veille, voici quels étaient les départs de Québec pour Montréal, inscrits pour le mercredi 7 mars: 5 h, 6 h, 6 h 30, 7h, 7 h 15, 8 h, 8 h 15, 8 h 45, 9 h, etc.

Mais certains trajets sont moins fréquentés et peuvent connaître des périodes creuses.

Un appel à Chicoutimi pour un déplacement le jeudi 8 mars vers Montréal n'a fait ressortir qu'un résultat: départ à 13 h 15. Le transporteur par autocar en programme quatre dans la journée.

La concurrence s'installe

Les sites Internet de covoiturage se multiplient. Le ministère des Transports du Québec offre depuis quelques années sur son site Internet une banque de covoiturage, animée par un outil de recherche — sans frais. «Les gens négocient entre eux, indique le conseiller en communication Mario St-Pierre. C'est pour rendre service.» Ce babillard s'intéresse davantage aux offres de covoiturage quotidien.

Pour sa part, CAA-Québec a instauré son service CoVoiture à l'automne 2005. Ses arguments vont droit au coeur: «Nul doute que les prix élevés qui touchent actuellement le carburant mettent votre portefeuille d'automobiliste à rude épreuve, y lit-on. C'est pourquoi CAA-Québec lance CoVoiture: un service de partage de véhicule vous permettant de réduire vos frais d'essence et autres coûts d'utilisation de votre automobile.»

L'outil interactif permet de distinguer les demandes des passagers, les offres des conducteurs, et les propositions de covoiturage par alternance de véhicules. Le service couvre tout le Québec. Près de 1100 membres se sont inscrits jusqu'à présent.

CoVoiture n'exige aucuns frais d'adhésion ou de réservation. «On le fait dans l'optique d'augmenter les possibilités de covoiturage, et d'offrir d'autres possibilités de réduire les coûts, la congestion et la pollution», indique Sophie Gagnon, directrice des relations publiques chez CAA-Québec.

Les frais de transport sont négociés à leur guise entre le passager et l'automobiliste.

Le mercredi 6 mars, une dizaine d'inscriptions étaient affichées, dont celles de deux passagers Montréalais à la recherche d'une occasion pour Québec, le vendredi suivant. Dans les deux cas, le passager propose de partager les frais d'essence, ce qui permet d'estimer le coût de son voyage entre 10 et 15 $.

Allo Stop est toutefois beaucoup plus fréquenté, et offre donc pour l'instant davantage de souplesse, malgré son coût plus élevé.

En covoiturage interurbain, en effet, c'est le nombre de participants qui détermine la fréquence des départs et la variété des destinations.

Chez Amigo express, après un an d'activité, on vient de franchir la barre des 7000 inscriptions.

Leur site Internet, élégant et convivial, est un outil d'inscription et de réservation très complet. «Amigo express est accessible partout et en tout temps et on peut annoncer des départs de n'importe où au Québec», affirme Marc Vachon, directeur des communications de l'entreprise.

Le système de réservation permet au conducteur de prendre des passagers en chemin.

La fiche de départ, accessible à tous sur Internet, montre les points de départ et d'arrivée, le trajet, le tarif exigé, le nombre de voyages effectués par le conducteur, le nombre de passagers transportés, et la satisfaction exprimée par ceux-ci!

Le passager aura accès aux détails supplémentaires dès qu'il aura enregistré sa réservation.

L'abonnement annuel coûte 7,50 $, mais est gratuit pour les étudiants. Le passager devra ensuite verser 5 $ à l'entreprise pour chaque réservation qu'il effectuera. Les paiements sécurisés peuvent être effectués par carte de débit ou de crédit.

Le tarif du transport proprement est fixé par le conducteur.

Pour un déplacement entre Montréal et Québec le jeudi 8 mars, une consultation faite la veille faisait apparaître quatre offres, avec des départs à 8 h, 10 h, 16 h et 19 h 30. Les conducteurs demandaient des contributions variant entre 10 $ et 15 $.

Toutes les offres ne constituent pas des aubaines de même ampleur: un conducteur demande 80 $ pour le trajet Montréal-Rouyn-Noranda. En autocar, il en coûterait 102 $. Chez Allo stop: 30 $.

Ce n'est pas parfait. Mais le covoiturage est un système éminemment synergique: sa souplesse et son efficacité augmentent avec le nombre de ses participants.