«Conrad Black ne peut que couler à la teneur des témoignages et des éléments de preuve produits devant vous. Au nom de la justice, membres du jury, vous devez trouver cet homme et les trois coaccusés coupables de tous les chefs d'accusation contre eux.»

«Conrad Black ne peut que couler à la teneur des témoignages et des éléments de preuve produits devant vous. Au nom de la justice, membres du jury, vous devez trouver cet homme et les trois coaccusés coupables de tous les chefs d'accusation contre eux.»

Ce furent les derniers mots d'Erik Sussman, le chef d'équipe des procureurs fédéraux américains, en clôture du procès pour fraude d'affaires et fiscale de l'ex-patron de presse canadien, hier au palais de justice de Chicago.

Et derrière le procureur fédéral, un grand écran vidéo affichait un courriel de Conrad Black à ses adjoints, peu après une houleuse assemblée d'actionnaires de Hollinger International, à New York.

«Dans deux ans, plus personne ne se souviendra de ça», disait le courriel. C'était en mai 2002, un moment qui s'avéra en fait que le début des déboires financiers et judiciaires de Conrad Black et ses principaux adjoints à la direction du groupe de presse Hollinger.

Mais mercredi aussi, juste après la dernière plaidoirie de la poursuite, la juge Amy St.Eve de la Cour fédérale du district de l'Illinois, a pris soin de rééquilibrer le cadre judiciaire.

Dans ses instructions finales aux jurés, avant de les envoyer délibérer, la juge a insisté sur leur obligation de baser leurs décisions strictement sur la loi et les éléments de preuve, et d'exclure tout sentiment d'ordre personnel envers l'un ou l'autre des accusés en raison de leur âge, de leur statut social ou de leur nationalité.

Et surtout, a souligné la juge St.Eve, tout verdict de culpabilité pour chacun de la quinzaine de chefs d'accusation de fraude, d'évasion fiscale et d'entrave à la justice qui pèsent contre M. Black et trois ex-associés doit s'appuyer sur l'absence de tout doute raisonnable, par décision unanime des jurés. D'ici là, tout accusé est présumé innocent, a rappelé la juge.

Bref, parmi les participants et les spectateurs aux 15 semaines de procès, prévoir l'issue des délibérations des jurés équivaut désormais à un coup de dés.

Au sortir du palais de justice de Chicago, le principal avocat canadien de Conrad Black, Eddie Greenspan, admis à titre spécial au procès par la juge St.Eve, s'est dit «impressionné» par la tenue des jurés pendant toute la durée de «presque quatre mois de procès, avec plusieurs moments d'un ennui considérable.»

Puis, osant une timide prédiction sur la durée des délibérations, M. Greenspan a dit qu'il serait «surpris» d'un verdict rapide, «considérant la masse de documents et d'informations que les jurés ont à réviser».

Mais pour Andrew Stoltmann, avocat de Chicago spécialisé en crimes financiers qui a suivi le procès, plus longues seront les délibérations des jurés, meilleures seraient les chances d'un acquittement généralisé.

«Car s'ils décident des verdicts en quelques jours à peine, après un procès aussi long et complexe, ça pourrait signifier que leur décision était pas mal prise avant d'entamer leurs délibérations. Et dans un tel cas, je m'attendrais à des verdicts de culpabilité pour tous les principaux chefs d'accusation contre tous, Conrad Black et ses trois ex-adjoints», a indiqué M. Stoltmann, à La Presse Affaires.

En contrepartie, un avocat criminaliste d'origine canadienne, Steven Skurka, au procès à Chicago à titre de commentateur invité de certains médias canadien-anglais, a dit s'attendre à un acquittement généralisé, après de brèves délibérations.

«Les jurés ne prenaient plus de notes durant les dernières heures de plaidoirie des avocats, en particulier durant celle du principal procureur fédéral», a souligné M. Skurka.

«Les jurés semblent s'être déjà fait une bonne idée des verdicts. Je m'attends à un acquittement complet parce que la poursuite n'est pas parvenu, à mon avis, à prouver hors de tout doute raisonnable qu'il y a eu fraude ou complot de fraude de la part de Conrad Black et ses ex-associés, à la direction de Hollinger International.»

Qui a raison? Qui a tort?

La réponse est attendue d'une journée à l'autre au 12e étage du palais de justice de Chicago.

Et de façon très particulière pour Conrad Black, sa femme Barbara Amiel, ainsi que sa fille et ses deux fils, d'une union antérieure.

Dès leur sortie du tribunal mercredi, ils se sont vite fait reconduire à leur suite d'un grand hôtel du quartier chic de «Magnificent Mile» de Chicago, où le couple Black-Amiel vit depuis la mi-mars.

Ils sont désormais sur le qui-vive pour une rapide convocation en cour, à moins de 30 minutes d'avis, pour entendre les verdicts.

Mais mercredi, en se faufilant parmi les caméras et micros massés aux portes du justice de Chicago, Conrad Black a lancé un bref «que de la pure fiction» à propos de la plaidoirie finale du procureur fédéral.

C'était en français seulement, et avec un petit sourire narquois