Le projet éolien de 350 M$ de la firme torontoise SkyPower à Rivière-du-Loup, qui avait déjà du plomb dans l'aile, vient d'être rejeté par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, qui blâme sévèrement le promoteur pour la façon dont il a mené son dossier.

Le projet éolien de 350 M$ de la firme torontoise SkyPower à Rivière-du-Loup, qui avait déjà du plomb dans l'aile, vient d'être rejeté par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, qui blâme sévèrement le promoteur pour la façon dont il a mené son dossier.

«La commission constate que le projet présenté dans sa version ne peut être réalisé», écrivent les commissaires après un examen détaillé du projet.

En plus de contrevenir à la réglementation de la MRC de Rivière-du-Loup, " le projet constitue un risque pour le paysage, la faune ailée, le climat sonore, l'agriculture et il ne reçoit pas l'appui consensuel de la communauté qui habite le territoire ", concluent-ils.

Les retombées locales promises par SkyPower ne sont pas au rendez-vous, souligne aussi l'organisme consultatif. " Seulement 10,5 % des dépenses globales estimées se feraient dans le milieu d'accueil ", signale le rapport, ce qui est loin des 40 % promis par le promoteur.

Malgré tout, les premières réactions de SkyPower sont positives. " On n'est pas totalement surpris ", a commenté hier Jean-Pierre Dion, de la firme de relations publiques National qui agit comme représentant de l'entreprise de Toronto.

M. Dion affirme que la plupart des réserves émises dans le rapport du BAPE ont fait l'objet de correctifs. " Le rapport du BAPE, c'est une photo prise à un certain moment. On s'est ajustés depuis ", a-t-il dit.

La direction de SkyPower convoquera la presse au début de la semaine prochaine pour faire part de ses commentaires. En attendant, son porte-parole ne voit pas pourquoi le gouvernement du Québec pourrait dire non au projet. " On pense que le gouvernement a tous les éléments pour approuver le projet ", a soutenu M. Dion.

Le projet de SkyPower à Rivière-du-Loup devrait être le plus gros parc éolien jamais construit au Canada, avec 134 éoliennes. Annoncé en 2004 par le ministre de l'Énergie et des Ressources d'alors, Sam Hamad, ce parc éolien avait fait l'objet d'un contrat sans appel d'offres avec Hydro-Québec, qui s'est engagé à acheter l'énergie produite pendant 20 ans.

SkyPower est une firme de Toronto qui compte parmi ses dirigeants David Caissie, un ancien cadre la Banque CIBC qui a été mêlé au scandale d'Enron. L'ancien ministre libéral André Bourbeau, qui a été président du conseil d'administration d'Hydro-Québec de 2003 à 2005, est un des dirigeants du Fonds de revenus SkyPower, qui a émis pour 77 millions de dollars de parts pour mener à bien le projet de Rivière-du-Loup.

Le projet a dérapé dès le début, parce que le promoteur voulait planter des éoliennes entre la route 132 et le fleuve, ce qui a suscité un tollé de protestations. Les relations entre les dirigeants municipaux et le promoteur se sont envenimées au point où cet été, SkyPower décidait de renoncer à son projet. À la suite d'une médiation du ministre des ressources naturelles, Pierre Corbeil, la compagnie est revenue sur sa décision et a décidé de réduire la taille de son parc de 134 à 114 éoliennes.

Le rapport du BAPE semble embêter considérablement le gouvernement. Hier le ministre Corbeil n'a pas voulu commenter les conclusions du BAPE, qui auront un impact sur les autres projets éoliens à venir au Québec. Pour sa part, le ministre de l'Environnement, Claude Béchard, qui a le rapport en mains depuis un mois, réserve encore ses commentaires. " C'est la ligne, on ne commente pas ", a dit son porte-parole, Pascal d'Astous.

Le BAPE a constaté que la population concernée par ce projet de construction d'une centaine d'éoliennes a été mise devant le fait accompli et il blâme le gouvernement du Québec pour avoir laissé les municipalités se débrouiller toutes seules avec le promoteur.

" Le modèle actuel d'implantation de parcs éoliens fait en sorte qu'un promoteur se réserve un territoire a priori rentable sans consulter les municipalités ", dit le BAPE, qui constate que les municipalités n'ont pas les outils nécessaires pour faire leur travail. " Il importe que le gouvernement du Québec établisse des mécanismes pour mieux encadrer ce volet de la filière éolienne ".

Enfin, le BAPE est d'avis que les redevances versées aux municipalités et aux propriétaires des terrains par SkyPower et par les autres promoteurs de la Gaspésie, sont insuffisantes. Ils ne représentent que 2 % des revenus tirés de l'exploitation d'une ressource collective, estime l'organisme.

SkyPower doit encaisser des revenus de 880 millions de la vente d'électricité à Hydro-Québec pendant la durée du contrat.

© 2006 La Presse. Tous droits réservés.