Pour les deux ingénieurs fondateurs et propriétaires de Matrox, le seul moteur de la croissance est la création de produits qui génèrent des profits. Même le gonflement des titres technologiques des années 1990 ne les a pas convaincus d'ouvrir le capital de leur entreprise.

Pour les deux ingénieurs fondateurs et propriétaires de Matrox, le seul moteur de la croissance est la création de produits qui génèrent des profits. Même le gonflement des titres technologiques des années 1990 ne les a pas convaincus d'ouvrir le capital de leur entreprise.

À la fin des années 1990, Lorne Trottier et Branco Matic, propriétaires de Matrox, ont dû sérieusement envisager d'entrer en Bourse.

C'était leur seule option s'ils voulaient demeurer concurrentiels dans le segment des cartes graphiques grand public, à l'origine de leur croissance des années précédentes.

Entre 1993 et 1997, les revenus de Matrox étaient passés de 30 millions à 955,2 millions de dollars. La compagnie vendait alors 30 % des cartes graphiques dotées d'une marque commerciale au monde.

Les affaires se corsent l'année suivante. La croissance naturelle de ce marché est atteinte. Les profits de Matrox baissent. Ses principaux concurrents, les sociétés publiques ATI et Nveida, font des investissements massifs en équipements et en R&D. Lorne Trottier, exaspéré, confie alors à ses cadres: " C'est très difficile de concurrencer une compagnie qui n'est pas obligée de faire de profits. "

Pour rester dans le marché grand public, Matrox aurait dû faire des investissements considérables que seul le marché public pouvait leur apporter.

Lorne Trottier et Branco Mattic choisissent une autre voie.

En 1999, ils délaissent le marché des cartes grand public qui avait fait leur fortune et décident de se concentrer sur le marché des cartes graphiques et périphériques haut de gamme utilisés par les professionnels et les fanatiques de jeux vidéo.

" Les propriétaires ont choisi d'augmenter les profits, quitte à diminuer le chiffre d'affaires. Une telle décision aurait été très mal reçue en Bourse. Le marché déteste les reculs ", estime Alain Vandenbusshe, vice-président, ventes et marketing, de Matrox Graphics.

" Pour les proprios, il est impensable d'inviter des investisseurs à partager les risques quand l'entreprise est dans le rouge. Si la compagnie est profitable, ce sont les clients qui financent sa croissance ", insiste cet ingénieur en informatique qui travaille pour Matrox depuis 20 ans.

Le virage stratégique de Matrox a entraîné la disparition de 400 emplois depuis 1998.

Matrox fait aujourd'hui fabriquer environ 80 % de ses produits en Chine. " Cette pratique a débuté pendant la période de grande croissance. Nous n'avons pas éliminé des emplois ici pour les transférer là-bas. Nous en avons plutôt créé de nouveaux en Asie ", dit M. Vandenbusshe.

L'entreprise garde farouchement le secret sur ses revenus.

" Malgré les hauts et les bas, la compagnie a fait des profits à tous les trimestres depuis sa création et en partage une partie avec ses employés ", précise M. Vandenbusshe.

Des options

À la fin des années 1990, plusieurs employés ont pourtant espéré l'entrée en Bourse de la compagnie.

" Certains étaient un peu frustrés de n'avoir droit qu'à un régime de partage des profits, en baisse à l'époque, alors que leurs voisins du secteur de la haute technologie, comme ceux de Nortel, recevaient des millions en options ", raconte M. Vandennbusshe.

Quelques mois plus tard, ces options ne valaient plus rien et plusieurs voisins des employés de Matrox n'avaient plus d'emploi.

Le VP ventes et marketing de Matrox Graphics croit que les entreprises privées arrivent mieux à faire face aux contretemps. " C'est beaucoup plus facile de corriger un problème sur une période de trois ans qu'en un trimestre ", dit-il.

Que serait devenue Matrox si ses propriétaires avaient opté pour la Bourse? " Les investisseurs auraient été bien déçus après l'éclatement de la bulle des technos, en 2002 ", répond Lorne Trottier.

Que deviendra Matrox au décès ou au départ d'un des propriétaires? " Nous sommes prêts et la Bourse ne fait pas partie des scénarios. Il existe de meilleures solutions. "

LA COMPAGNIEDepuis sa création, il y a 30 ans, les Systèmes électroniques Matrox ont reçu plus de 1000 prix pour la qualité de leurs logiciels, cartes graphiques et périphériques informatiques. L'entreprise privée emploie un millier de personnes à Dorval et dans ses bureaux à l'étranger.

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