L'Autorité des marchés financiers (AMF) ne pourra plus garder confidentielle son enquête sur la Corporation Cinar et ses cofondateurs Ronald Weinberg et feue Micheline Charest.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) ne pourra plus garder confidentielle son enquête sur la Corporation Cinar et ses cofondateurs Ronald Weinberg et feue Micheline Charest.

C'est ce qu'a décidé le juge Jean-Yves Lalonde, de la Cour supérieure, dans une décision rendue publique mercredi.

Le juge Lalonde répond ainsi à la demande de deux des parties poursuivies par Ronald Weinberg, soit la firme comptable Ernst & Young et l'ancien vice-président, finance, de Cinar, Hasanain Panju.

Ces deux défendeurs demandaient d'avoir accès à l'enquête de l'AMF pour se défendre contre les allégations de Ronald Weinberg.

Essentiellement, M. Weinberg soutient que c'est Panju qui est responsable des détournements de fonds de 116 millions de dollars qu'on lui reproche.

Ronald Weinberg affirme également que Ernst &Young a été négligente dans son mandat de vérificateurs comptables de Cinar en omettant de l'informer des transferts de fonds aux Bahamas. Il réclame 194 millions de dollars à Ernst & Young.

Or, les allégations de Ronald Weinberg contre ces deux parties «divergent considérablement» des éléments de l'enquête déjà rendus publics par l'AMF en 2002 (alors la Commission des valeurs mobilières du Québec), d'où l'intérêt de Panju et Ernst & Young.

En mars 2002, rappelons-le, Micheline Charest et Ronald Weinberg ont signé une entente de règlement avec l'AMF et se sont vu imposer une amende de 1 million de dollars chacun, entre autres. Cette entente a clos l'enquête de l'AMF.

À l'époque, la décision de l'AMF, rendue publique, comportait une annexe qui stipule que le couple accepte le règlement en raison des faits exposés contre lui. Le couple Charest-Weinberg admet que si l'AMF déposait sa preuve documentaire et faisait entendre ces témoins, preuve serait faite des imputations énoncées contre lui dans l'annexe.

Or, l'exposé des faits dans l'annexe est compromettant, résume le juge Lalonde.

«Weinberg y reconnaît avoir autorisé des transferts de fonds aux Bahamas. Il admet aussi avoir reçu en novembre 1999, pour son propre bénéfice, une avance de 12 millions US. Il avoue que plusieurs transactions du genre ont été faites sans l'autorisation du conseil d'administration de Cinar, à même des fonds provenant d'un appel public à l'épargne», écrit le juge.

Jean-Yves Lalonde estime que l'accès à l'enquête permettra à Hasanain Panju et Ernst & Young de bénéficier d'une défense pleine et entière. Il estime que la «recherche ultime de la vérité» doit surpasser les restrictions d'accès à l'enquête de l'AMF, tel que prévu dans la loi constitutive de l'organisme.

«Les requérants souhaitent pouvoir établir des contradictions entre la preuve recueillie par l'AMF et les allégations de Weinberg et Charest () La crédibilité du processus judiciaire serait ébranlée s'il était permis à une partie d'ajuster son témoignage en fonction de l'intérêt en jeu», écrit le juge Lalonde.

Témoignages

Les documents de l'enquête recherchés par les deux défendeurs sont inconnus pour le moment, mais essentiellement, il s'agit des témoignages de feu Micheline Charest et Ronald Weinberg, de même que la preuve documentaire de l'AMF.

Ces documents ne seront toutefois pas immédiatement accessibles aux journalistes et au public.

Dans un premier temps, seules les parties au litige pourront y avoir accès. Ce n'est que lorsque ces documents seront déposés au tribunal qu'ils deviendront accessibles à tous. Les documents pourraient être disponibles avant longtemps puisque le procès devrait débuter en février 2008.

L'avocat de Hasanain Panju, Jacques Rossignol, est heureux de la décision du juge Lalonde.

«Mais il faut voir les documents avant de se réjouir de leurs contenus», a-t-il dit au téléphone.

De son côté, l'avocat de Ronald Weinberg, Jean Lozeau, ne s'objectera pas. «Nous allons vivre avec ça», a-t-il dit.

Le porte-parole de l'AMF, Frédéric Alberro, n'a pas voulu dire si l'AMF allait porter le jugement en appel, se contentant d'indiquer que l'organisme devait étudier le jugement avant de se prononce