Ça tient pendant quelque temps. On néglige les signes avant-coureurs. Puis, les lézardes s'élargissent. Tout l'édifice budgétaire frémit, chancelle, et menace ruine.

Ça tient pendant quelque temps. On néglige les signes avant-coureurs. Puis, les lézardes s'élargissent. Tout l'édifice budgétaire frémit, chancelle, et menace ruine.

En 2004, Guillaume avait acheté en copropriété avec une autre personne un appartement de quatre pièces, dont la valeur atteint maintenant 195 000$.

Il a racheté sa part en 2006. Pour la financer, il a majoré l'hypothèque auprès d'un prêteur spécialisé dans les prêts à haut risque. En raison de son dossier de crédit... préoccupant, l'homme de 31 ans a dû acquitter alors des frais administratifs de 3070$.

Ses mensualités, impôt foncier compris, s'établissent à une moyenne de 1270$ par mois. Pour amortir ce choc, il avait accepté un colocataire, qui lui versait un loyer de 500$ par mois. Celui-ci vient de partir, ce qui laisse à Guillaume le plein poids des paiements.

Il doit en outre assumer des mensualités de 148$ pour des meubles, de 200$ pour une marge de crédit de 4800$, et de 333$ pour un solde de 7200$ sur sa carte de crédit. Ses seules dettes de consommation entraînent donc des paiements de 680$ par mois.

En outre, il doit rembourser le retrait de 20 000$ effectué à son REER en vertu du Régime d'accession à la propriété, à raison de 1333$ par année.

«Ma santé en prend un coup à cause de ce stress inutile», confie-t-il.

«Ma seule option est probablement de vendre mon condo pour payer mes dettes.»

Est-ce vrai?

Vendre ou ne pas vendre?

Pas surprenant que Guillaume se sente à l'étroit dans son budget: le remboursement de ses dettes occupe 18 600$ de son revenu brut de 44 900$.

Ce rapport de 41% excède largement le plafond de 35% au-delà duquel un budget est jugé inconfortable.

Or, le budget de Guillaume est à peu de chose près incompressible. Il pourrait peut-être réduire ses frais de communications en éliminant sa ligne téléphonique filaire, ou en combinant ses services chez un même fournisseur. Mais c'est à peu près tout.

«Bien qu'il n'ait jamais fait de budget, Guillaume administre sans excès selon les liquidités de chaque paie», indique notre spécialiste.

Ses dettes peuvent difficilement être consolidées. Son hypothèque actuelle, dont les frais d'administration ont été considérables, est déjà le résultat d'une démarche de refinancement.

Gaétan Veillette a exploré les trois voies qui se présentent: statu quo, nouveau colocataire, vente du condo. Dans ses estimations, il suppose que les épargnes connaissent un rendement annuel de 7%. Il assigne au condo une appréciation de 2% par année.

«Bien que la valeur de l'immobilier résidentiel se soit appréciée substantiellement depuis 1998, il est sage de budgéter une croissance conservatrice, dit-il: l'évolution démographique reste un facteur d'incertitude à long terme.»

Les dépenses récurrentes imputables au condo totalisent 1626$ par mois, évalue Gaétan Veillette. Selon ses calculs, les dépenses d'un logement de trois pièces s'établiraient plutôt à 1115$, — une différence de 511$ par mois.

Si la situation actuelle perdure, Guillaume accumulera déficit sur déficit.

«La somme des déficits budgétaires annuels s'étalerait jusqu'en 2018, pour un total de 35 128$, évalue notre conseiller. Après quoi le budget redeviendra positif, permettant d'établir un programme d'épargne.» Dans la mesure où Guillaume tient jusque-là.

Car même s'il permettrait d'accumuler un patrimoine de 900 000$ à 65 ans, ce scénario est intenable, estime Gaétan Veillette. «Il constitue un facteur de stress et Guillaume aurait de la difficulté à financer les déficits budgétaires accumulés jusqu'en 2029», avise-t-il.

La seconde voie suppose la venue d'un nouveau locataire, qui accepterait de payer un loyer de 500$ pour partager ce condo de quatre pièces. Dans cette hypothèse, Guillaume subirait un déficit pendant encore deux ans, mais commencerait ensuite à accumuler de l'épargne. Parvenu à 65 ans, il aurait en main un actif net de 2 150 000$.

«Ce scénario implique un certain renoncement et une gestion rigoureuse du budget, met toutefois en garde M. Veillette. Il comporte aussi le risque de vacance de revenu du colocataire pendant certaines périodes.»

Dernière option: la vente immédiate du condo.

Elle entraînerait des dépenses immédiates de 14 550$ — 9750$ en courtage immobilier, 2000$ en frais pour le bris du contrat hypothécaire, 3000$ pour les frais de déménagement, d'aménagement et d'ameublement.

Le seuil de rentabilité s'établit donc à 28,4 mois: c'est la période nécessaire pour que les économies de 511$ par mois remboursent les frais non récurrents liés à la vente.

Guillaume pourrait attendre à la fin du terme, soit en 2009, pour vendre son condo, et ainsi éviter la pénalité de bris de 2000$. Le seuil de rentabilité serait ainsi ramené à 24,5 mois à partir de la vente.

Si Guillaume vend son condo à sa valeur estimée de 195 000 $, il pourra liquider son solde hypothécaire de 152 000$, rembourser ses dettes de 12 900$, payer les 14 550$ de dépenses, et encore encaisser un léger surplus de 5550$.

Le budget de Guillaume s'en trouverait instantanément excédentaire, avec des surplus de 5000$ et plus chaque année.

À 55 ans, ce scénario est légèrement moins favorable que celui du colocataire, avec un patrimoine de 745 000$ par rapport à 830 000$.

Mais à 65 ans, les places s'inversent: la vente du condo aura permis l'accumulation d'un patrimoine de 2 300 000$, par rapport à 2 150 000$ pour celui du colocataire.

«Le scénario de vente du condo permettrait à Guillaume d'accéder immédiatement à une meilleure qualité de vie, et de démarrer un programme d'épargne», observe Gaétan Veillette. Toutefois, concède-t-il, ce scénario ne permet pas de tirer profit de la valeur ajoutée de la propriété. En outre, Guillaume devra juger si le loyer de 800$ que notre expert a retenu dans ses calculs lui permet d'accéder à un logement conforme à ses exigences.

À Guillaume de voir s'il préfère trouver — et garder — un coloc...