Voyons voir. On pourrait ajouter 200 $ pour frais de parcomètre. Consignons une centaine de dollars en appels sur téléphones publics. Aucun reçu possible, donc aucun reçu exigible.

Voyons voir. On pourrait ajouter 200 $ pour frais de parcomètre. Consignons une centaine de dollars en appels sur téléphones publics. Aucun reçu possible, donc aucun reçu exigible.

On pourrait aussi récupérer deux ou trois factures de vins achetés à la SAQ et les inscrire à titre de frais de publicité.

Il s'agit là d'authentiques recommandations faites par un conseiller fiscal à son client, travailleur autonome, pour alléger sa déclaration de revenus.

Et qui constituaient une fausse déclaration...

«On est conscient qu'il y a des gens un peu retors dans l'industrie, mais ce ne sont pas des gens qui travaillent dans des firmes comptables bien structurées», affirme Daniel Bourgeois, avocat et président-directeur général de l'Association de planification fiscale et financière. «Ce sont souvent davantage des vendeurs que des vrais professionnels en fiscalité.»

Dans l'exemple cité ici, qui s'est produit il y a peu d'années, il s'agissait pourtant d'un comptable agréé.

La pratique est plus ou moins occulte, mais toujours relativement répandue.

L'exemple le plus connu: les frais de représentation. Plusieurs travailleurs touchant des revenus d'un travail indépendant déduisent leurs billets de théâtre ou de cinéma, leurs repas au restaurant — toutes dépenses prétendument engagées pour discuter affaires avec un client ou un fournisseur...

Cette interprétation semble suffisamment courante pour que le fisc ne permette plus la déduction que de la moitié des frais de représentation déclarés.

Le président et chef de la direction de l'Ordre des comptables agréés du Québec, Daniel McMahon, reconnaît qu'un comptable inscrira probablement dans la déclaration une dépense de 100 $ en parcomètre que lui indiquera son client. «Mais de là à lui créer des dépenses!, s'exclame-t-il.

«Je vais te créer des dépenses», dans notre code de déontologie, c'est une infraction.»

«Si j'ai connaissance d'une situation semblable, j'ouvre immédiatement une enquête», poursuit-il.

Il y a pourtant une tentation de la déduction créative, qui d'ailleurs répond souvent aux attentes du client. Plusieurs conseillers fiscaux justifient le prix de leur service par les économies que leur expertise peut procurer.

Dans cet argumentaire compétitif, il faut différencier les praticiens à la moralité élastique et ceux qui tiennent à leur réputation, rétorque Daniel Bourgeois.

Il en va aussi de la réputation du contribuable lui-même.

«Il ne faut pas perdre sa crédibilité auprès du gouvernement, avise le fiscaliste Stéphane Leblanc, de la firme Ernst & Young. Quand on commence à essayer de passer des dépenses auxquelles on n'a pas droit, le gouvernement voudra aller voir plus loin.»

Les quelques centaines de dollars en jeu n'en valent pas la chandelle, assure-t-il: «C'est jouer avec le feu.»

La voie éthique est plus sûre... et souvent plus rentable. «Il y a beaucoup de mesures en fiscalité, observe Natalie Hotte, fiscaliste chez Raymond, Chabot, Grant, Thornton. Il y a davantage d'intérêt à regarder ce qu'on peut faire en planifiant qu'à regarder ce qu'on peut faire après coup en détournant. On y gagne.»