First Reserve, plus importante firme de capital de risque privé de l'industrie de l'énergie, prévoit quintupler ses gains grâce à des bouses de vache et à des poulets avariés, dépassant largement les rendements prévus du pétrole et du gaz naturel.

First Reserve, plus importante firme de capital de risque privé de l'industrie de l'énergie, prévoit quintupler ses gains grâce à des bouses de vache et à des poulets avariés, dépassant largement les rendements prévus du pétrole et du gaz naturel.

Cette hypothèse est moins ridicule qu'il n'y paraît. C'est qu'un consensus est en train de se dégager dans les milieux financiers et les législateurs américains pour une formule qui encouragerait les transactions de crédits recueillis grâce à des projets réduisant les gaz à effet de serre et freinant le réchauffement planétaire.

«Des rendements vertigineux» sont probables, estime Glenn Payne, un patron de First Reserve. Selon lui, les premiers signes d'une nouvelle législation vont quintupler la valeur des crédits, la faisant passer de 3,50 $ US à l'heure actuelle à environ 19$US la tonne de gaz carbonique.

D'après les prix des contrats à terme, les profits tirés du pétrole et du gaz naturel augmenteront de moins de 10% au cours des cinq prochaines années.

«Les compagnies telles que First Reserve qui entrent dans la danse maintenant peuvent obtenir des rendements annuels de plus de 10% et même 100%», soutient pour sa part Josh Margolis, directeur de la division des transactions sur les crédits de droits de pollution chez Cantor Fitzgerald, à New York.

«C'est un fort rendement parce que les risques sont élevés», ajoute-t-il.

De son côté, Morgan Stanley, deuxième maison de courtage en importance aux États-Unis, prévoit investir au cours des cinq prochaines années 3 milliards US dans des programmes pour réduire la pollution causée par les gaz à effet de serre ou dans les crédits accordés pour ces initiatives.

Mardi, Citigroup a annoncé la création d'une coentreprise avec la division de fonds spéculatifs de Cargill Inc., de Wayzata, au Minnesota, plus importante compagnie agricole américaine, pour acheter des actions de Sindicatum Carbon Capital de manière à générer des droits d'émission de gaz carbonique.

First Reserve a accordé un contrat à Tyson Foods, de Springdale, en Arkansas, pour amener le plus important transformateur de viande au monde à fournir des droits d'émission générés par la récupération du méthane produit par ses déchets de poulets et ses bassins d'eaux usées.

Cet accord oblige First Reserve à régler les frais et le financement de l'installation et de l'exploitation de l'équipement nécessaire pour empêcher l'émission de gaz à effet de serre. La firme d'investissement vend ensuite les crédits au propriétaire d'une centrale électrique ou à une autre compagnie qui doit respecter les limites de pollution imposées par l'État ou par le gouvernement fédéral.

First Reserve a aussi signé des contrats avec la compagnie de camionnage J.B. Hunt Transport Services, de Lowell, en Arkansas, et la chaîne d'épiceries Albertson's, de Boise, en Idaho.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre obtenue dans le cadre de cet accord surviendra en remplaçant le carburant utilisé par les camions par du biodiesel et en installant de l'éclairage plus efficace sur le plan énergétique dans les magasins. Des projets futurs pourraient porter sur la récupération du méthane produit par les excréments de porcs ou de vaches, a dit M. Payne.

«Capturer les émissions de carcasses de poulet qui pourrissent coûte beaucoup moins cher que de capturer les émissions d'une centrale au charbon, a expliqué M. Payne lors d'une entrevue depuis le siège social de First Reserve, à Greenwich, au Connecticut. Le marché en Europe, où les plafonds d'émissions de gaz à effet de serre sont en place depuis deux ans, démontre jusqu'où la valeur des crédits pourra s'élever aux États-Unis, a ajouté M. Payne.

Rendements élevés

M. Payne a refusé de discuter de la performance de First Reserve, mais on sait que l'un des fonds de la firme a présenté un rendement annuel de 48% de 2001 à juin de l'an dernier, selon le site Web du California Public Employees' Retirement System.

Au cours des cinq dernières années, les fonds de capital de risque privé ont obtenu un rendement moyen de 5,9% par année, selon des données recueillies par Thomson Financial.

Il se peut que le Congrès américain adopte cette année une loi pour réduire les émissions de gaz carbonique, de méthane et d'autres gaz à effet de serre.

La présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, démocrate de la Californie, a indiqué la semaine dernière que des «mesures obligatoires» étaient nécessaires pour réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050.

Lors de son discours sur l'état de l'Union le 23 janvier dernier, le président Bush a évoqué la nécessité «de s'attaquer au grave problème des changements climatiques planétaires», ce qui constitue tout un changement de sa part, selon Red Cavaney, président du American Petroleum Institute.