«Il n'y a pas de tradition de valorisation des produits marins ici», dit James Atkins, dans son bureau de Mont-Louis. De l'autre côté de la rue, une petite plage. Et la mer à perte de vue.

«Il n'y a pas de tradition de valorisation des produits marins ici», dit James Atkins, dans son bureau de Mont-Louis. De l'autre côté de la rue, une petite plage. Et la mer à perte de vue.

James Atkins s'est installé en Gaspésie avec ses frères à la fin des années 80, après des années de vie de bohème. C'est la pêche qui l'a attiré là. Il croyait qu'il pourrait en vivre durant la saison.

Le reste de l'année, il y aurait bien d'autres choses à faire. Aujourd'hui, Charles et James n'ont plus assez de 12 mois pour gérer Atkins & frères, leur entreprise de produits fins qui prend continuellement de l'expansion.

Le commerce a vraiment pris son envol en 1993. Les frères avaient fait des recherches pour pouvoir offrir, à plus grande échelle, du poisson fumé d'aussi bonne qualité que celui qu'ils servaient à la maison.

Un an après le grand plongeon, le chiffre d'affaires d'Atkins et frères n'atteignait pas 10 000$, mais l'entreprise était prometteuse. En 1997, le groupe déménage dans l'ancien magasin général du petit village de Mont-Louis, qu'il occupe toujours, malgré son expansion remarquable.

L'année dernière, son chiffre d'affaires a dépassé 1,8 million de dollars. Les prévisions pour cette année atteignent 2,4 millions.

«Nous avons une croissance naturelle de 25% par année, dit Nicolas Roy, directeur général de Atkins & frères. C'est normal d'avoir des chiffres de croissance astronomiques: on est partis de très petit!»

James Atkins est maintenant chef de la direction de l'entreprise et son frère, Charles, en est le président.

À Mont-Louis, une quinzaine d'employés travaillent à temps plein durant toute l'année - un fait rare dans l'industrie de la mer gaspésienne, où les emplois sont plutôt saisonniers.

Durant la saison de pêche, l'équipe augmente de quelques membres. Et c'est sans compter les représentants commerciaux et les poissonniers, hors Gaspésie. Car les produits Atkins sont maintenant disponibles en permanence au marché Jean-Talon à Montréal et au marché du Vieux-Port à Québec.

«Il y a cinq ans, nous avons mis énormément d'efforts sur notre réseau de distribution, explique Nicolas Roy. À commencer par une «professionnalisation» de la fonction des ventes.»

L'entreprise avait de grandes visées. Elle voulait devenir la référence québécoise en produits fins de la mer. L'année dernière, l'image a aussi été revue.

L'entreprise a opté pour de nouveaux emballages et une signature facilement reconnaissable, plus haut de gamme.

Le saumon fumé est toujours le meilleur vendeur. Les différentes déclinaisons de saumons fumés comptent pour plus de la moitié des ventes. Mais les Atkins fument aussi le maquereau, la crevette, les pétoncles, les moules, la truite. Ils font des rillettes de poissons et un confit de calmar, fumé bien sûr.

James Atkins n'est pas du genre à tenir le discours de la pauvre Gaspésie et des problèmes de l'industrie de la pêche. Au contraire.

«Arrêtons de parler des problèmes d'approvisionnement et voyons un peu ce qu'on peut faire en valeur ajoutée, dit-il. C'est le positionnement stratégique qui va faire la différence.»

Position claire

La position d'Atkins & frères est claire: il y a des ressources qui ne demandent qu'à être travaillées. Celles qui sont de l'autre côté de la rue, dans le fleuve Saint-Laurent, mais aussi les produits marins qui viennent d'ailleurs.

L'entreprise utilise par exemple un saumon chilien, mais le fume frais.

L'efficacité de l'approvisionnement le lui permet, même si le poisson arrive de Miami, via Montréal. Après quelques jours de transport, le saumon se fait fumer à Mont-Louis. Fumé et pas «boucanné».

La maison a appris à donner dans la modération. Et selon Nicolas Roy, c'est ce qui a fait la différence. Les produits Atkins étaient reconnus dans les poissonneries parmi des semblables.

«Nous avions des commentaires dithyrambiques de la clientèle, dit-il. Nous savions que nous avions un bon potentiel de développement.»

James Atkins est aussi très fier de faire tout cela en Gaspésie, où il y a très peu d'entreprises de deuxième transformation.

«On pêche et on envoie les produits à l'usine pour les décortiquer ou les couper, dit-il. C'est tout ce qu'on fait ici.»

Payer plus

Selon lui, les consommateurs accepteront de payer plus pour des produits fins. Et la croissance passe par là.

«La mondialisation fait mal à ceux qui font du volume, pas à ceux qui font la différence», lance Atkins, franc-parler.

Rien à craindre

La production alimentaire québécoise n'a pas à craindre la concurrence internationale si elle est bien faite, dit-il. Même si, lors d'un récent voyage, il a vu du saumon fumé fait en Chine.

"Ceux qui font du saumon fumé en grande quantité risquent de souffrir de cette nouvelle concurrence, dit-il. Pas les artisans québécois qui font un produit de qualité supérieure."

La maison veut maintenant solidifier sa représentation et sa reconnaissance au Québec. Elle vend aussi dans le reste du Canada et vise un développement américain.

On pourrait également retrouver des produits Atkins en plats préparés dans les rayons surgelés, dans un avenir plus ou moins rapproché.

"Nous voulons être ceux qui sont copiés par les autres, dit Nicolas Roy. Nous voulons être toujours condamnés à innover."