Cela a pris sept ans à l'Autorité des marchés financiers, mais l'ancien président de la firme Jitec, Benoît Laliberté, sera ce matin (lundi) devant un tribunal pénal pour se défendre de 48 accusations d'avoir commis quatre types d'infractions à la Loi sur les valeurs mobilières, en 2000.

Cela a pris sept ans à l'Autorité des marchés financiers, mais l'ancien président de la firme Jitec, Benoît Laliberté, sera ce matin (lundi) devant un tribunal pénal pour se défendre de 48 accusations d'avoir commis quatre types d'infractions à la Loi sur les valeurs mobilières, en 2000.

Il risque des amendes totalisant 1 760 180$, mais pas de prison, puisque les gestes qu'on lui reproche sont antérieurs à la nouvelle et plus sévère loi de 2003 sur les valeurs mobilières.

Jitec était une firme de haute technologie lancée en Bourse par M. Laliberté le 26 juillet 2000, en pleine bulle technologique.

L'action de Jitec, qui fut un feu de paille boursier et un party de spéculateurs, a atteint un sommet de 11,65$ un mois plus tard à la suite d'annonces de contrats faramineux qui ne se sont jamais matérialisés.

L'AMF accuse M. Laliberté, entre autres, d'avoir fait huit communications «fausses ou trompeuses» aux investisseurs.

Par la suite, l'action s'est aplatie et Jitec a fermé dans un parfum de scandale qui, au passage, a éclaboussé l'ancienne Commission des valeurs mobilières du Québec (remplacée en 2004 par l'AMF).

M. Laliberté est aussi accusé d'avoir commis quatre délits d'initié (l'achat de 200 000 actions de Jitec avant l'annonce d'un contrat de 105 M$) et d'avoir omis 33 fois de signaler ses transactions d'initié portant sur des centaines de milliers de titres.

Il se défend aussi de trois chefs d'accusation d'avoir garanti à des investisseurs un prix minimum de l'action de Jitec.

«J'ai très, très, très hâte, enfin, de travailler fort pour que la lumière se fasse et que la vérité soit connue durant ce procès», affirme M. Laliberté, qui se dit confiant d'être acquitté.

«Pour prouver que je ne suis pas responsable de la chute de Jitec, on va exposer clairement qui sont les gens qui sont directement responsable de cette chute. Et ces gens auraient eu intérêt à ce que jamais un forum aussi public qu'un procès voit le jour», a dit M. Laliberté, rencontré jeudi, à sa demande, aux bureaux de La Presse Affaires.

C'est une bonne chose pour M. Laliberté qu'il ait hâte d'aller au palais de justice, puisqu'il va y passer beaucoup de temps d'ici quelques années.

Après son procès pénal de quatre semaines, l'énergique entrepreneur de 35 ans devra préparer sa défense dans un recours collectif intenté par des investisseurs qui disent avoir perdu des millions dans Jitec.

M. Laliberté a aussi un contentieux de plusieurs millions avec Revenu Québec.

127 millions

Mais surtout, M. Laliberté poursuit au civil l'Autorité des marchés financiers pour 127 M$ en dommages et intérêts, alléguant que ce sont les actions non fondées de l'agence et d'autres personnes qui ont causé la perte de Jitec.

M. Laliberté affirme que la poursuite pénale intentée contre lui par l'AMF est une défense de dernier recours, en réaction à sa poursuite: «Je les ai poursuivis en novembre 2003, ils m'ont accusé en octobre 2004.»

L'affaire Jitec s'est déroulée avant la réforme de 2003, durant une des pires périodes de l'ancienne et discréditée CVMQ, un contexte qui sera la toile de fond de la défense, durant tout le procès, a dit M. Laliberté.

Enquêteurs congédiés

Il a rappelé que deux des enquêteurs au dossier, Paul Trudeau et Laurent Lemieux, ont été congédiés.

M. Lemieux, pour avoir coulé aux médias un rapport d'enquête sur Jitec. M. Trudeau, pour avoir accepté 1000$ du millionnaire montréalais Herbert Black, plaignant à la CVMQ dans l'affaire Jitec (son congédiement a été cassé par un arbitre en relations de travail).

M. Laliberté a déjà affirmé que M. Black a manipulé la CVMQ dans l'espoir de profiter de la chute du titre de Jitec. M. Black et la CVMQ ont séparément nié cette allégation.

L'AMF, «qui me reproche des choses, a participé à l'infraction à quelque part. L'enquêteur (Trudeau) a même a participé à l'infraction!», dit M. Laliberté en riant.

«Vous pouvez voir ce pattern répétitif d'infractions faites à haut niveau, et vous allez comprendre ce qui est arrivé durant les prochaines semaines.»

M. Laliberté a aussi indiqué qu'un autre enquêteur de la CVMQ dans le dossier Jitec était nul autre qu'Éric Asselin, qui allait en 2004 devenir le bras droit et le complice de Vincent Lacroix chez Norbourg.

Quand on lui a demandé qui, parmi ces gens pourrait témoigner, M. Laliberté a répondu que «personne n'est exclu».

Durant l'entrevue, M. Laliberté a tenu à exprimer ses «regrets sincères» à ceux qui ont perdu de l'argent avec Jitec.

Il affirme avoir perdu 11 M$ dans l'affaire et note que beaucoup d'investisseurs ont aussi fait des profits.