La vigueur qui pousse le dollar canadien vers des sommets de 30 ans (94 cents US à la mi-journée) risque de ne pas se maintenir à long terme si le Canada ne rend pas son environnement plus concurrentiel pour les entrepreneurs.

La vigueur qui pousse le dollar canadien vers des sommets de 30 ans (94 cents US à la mi-journée) risque de ne pas se maintenir à long terme si le Canada ne rend pas son environnement plus concurrentiel pour les entrepreneurs.

C'est du moins ce que soutient François Barrière, vice-président aux marchés internationaux à la Banque Laurentienne, interviewé vendredi par LaPresseAffaires.com.

Commentant les prévisions récentes d'économistes selon lesquelles le huard et le billet vert s'échangeront à parité d'ici la fin de l'année notamment en raison des taux d'intérêt, M. Barrière tient à faire quelques précisions.

Il estime que la valeur d'une devise est un indicateur fiable de la richesse collective d'un pays. Il croit que les fluctuations des taux d'intérêt et des produits de base ont seulement un impact à court terme.

«Il ne faut pas oublier pourquoi la devise canadienne a faibli de 1975 à 2000, affirme M. Barrière. Plus un pays est fiscalisé, moins les entreprises sont compétitives. Dans une telle situation, ce qui sert d'ajustement est la valeur du dollar. Nos entreprises avaient besoin d'un huard à 65 ou 70 cents US pour faire concurrence aux Américains.»

Il s'agit donc, dit ce vice-président à la Banque Laurentienne, de se poser des questions sur l'appréciation récente du huard. «Sommes-nous beaucoup plus concurrentiels depuis 5 ans ? Nous sommes plutôt dopés par l'énergie et les matières premières.»

François Barrière croit donc que pour enrichir les Canadiens et leur donner un dollar robuste à long terme, les gouvernements doivent réduire le fardeau fiscal des entreprises.

«Nos gouvernements doivent réaliser qu'ils ne peuvent pas subventionner les manufacturiers parce que leur industrie ne va pas bien, lance-t-il. Ils peuvent réduire les impôts, les taxes et inciter les gens à dire qu'il faut lancer des entreprises au Canada et non ailleurs.»

À son avis, les investisseurs d'ici n'attendent que cela. «Nous avons des entrepreneurs qui savent comment faire de l'argent et créer de l'emploi. Mais ils ont besoin de sentir que ça vaut la peine de le faire.»

M. Barrière accueille à bras ouverts la secousse économique entraînée par la hausse du huard. Et ce même si les manufacturiers et les forestiers l'ont décriée après avoir fait des profits sur le dos d'un dollar affaibli.

«C'est merveilleux, ce que ça a produit en changements structurels et en questionnement, dit notre interlocuteur. Ça entraîne une sorte de nettoyage qui sépare les bons entrepreneurs des moins bons. De plus, plusieurs entreprises qui craignaient de disparaître ont survécu.»

La parité, pas une surprise

François Barrière n'est pas surpris par les prédictions qui fusent sur l'atteinte de la parité entre les dollars canadien et américain. «Moi, je la vois pour 2008 depuis trois ans. Je pourrais ressortir ce que les banques pensaient il y a un an. Plusieurs envisageaient le dollar canadien à 80 cents il y a à peine six mois.»

M. Barrière ne cache pas qu'il ne s'entend pas toujours avec son économiste en chef à la Banque Laurentienne sur ces questions. Mais à l'heure actuelle, il donne raison à ceux qui prévoient la parité.

Le vice-président aux marchés internationaux s'attend à deux hausses du taux directeur de la Banque du Canada et à une baisse du taux de la Fed. L'écart rétréci entre les taux d'intérêt favoriserait le dollar canadien, tel que le dit CIBC World Markets dans son rapport publié vendredi.

Mais M. Barrière rappelle qu'il faut recentrer le débat sur la richesse à long terme.

«Ce sont les flux financiers qui comptent, dit-il. Ils sont excellents au Canada. Aussi, nos finances publiques sont en surplus, nous remboursons notre dette, notre croissance est bonne, le taux de chômage régresse et nous créons des emplois. L'inflation se lève mais elle n'atteint pas 4%. Notre marché boursier se porte bien.»

Toutefois, François Barrière ajoute un bémol aux propos des économistes. «Beaucoup disent que nous ne pouvons pas aller au-delà de la parité. Pourtant, que la valeur du dollar ce soit 98 cents US ou 1,01 $ US, ça ne craquera pas même si nous aurons traversé un seuil psychologique important.»

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