La Conférence de l’ONU sur la biodiversité bat son plein depuis plus d’une semaine à Montréal, et ce ne sont pas seulement des environnementalistes, des fonctionnaires, des biologistes ou des militants de partout dans le monde qui participent à la COP15. Aujourd’hui, c’est au tour des acteurs du monde financier de venir discuter de leur implication dans la mise en œuvre du cadre mondial de la biodiversité.

Qu’est-ce que des financiers viennent faire à une conférence dont le but ultime est de ralentir le développement effréné de nos ressources naturelles afin de protéger la fragile biodiversité qui subit depuis plusieurs décennies le double assaut de la croissance aveugle et du réchauffement climatique ?

La réponse est simple : le capitalisme du XXIe siècle ne peut plus se permettre de considérer la recherche du profit comme seul moteur de sa prévalence. Ce système économique doit aussi tenir compte des effets qu’il induit dans son environnement et auprès de ses parties prenantes.

Si le concept d’investissement responsable s’est développé durant les années 1980 et 1990, celui qui cherche à respecter les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) a maintenant pris le dessus.

Tous les grands investisseurs cherchent aujourd’hui à respecter le plus possible les critères ESG dans la sélection de leurs placements parce que c’est le vœu de leurs déposants qui veulent certes obtenir des rendements, mais pas à n’importe quel prix.

C’est aussi la raison pour laquelle les financiers s’intéressent à la mise en place des nouvelles normes et des nouvelles règles du jeu en matière de biodiversité.

C’est la première fois cette année que les financiers, déjà très présents aux différentes COP sur les changements climatiques depuis l’Accord de Paris en 2015, sont invités à participer à la Conférence de l’ONU sur la biodiversité.

Des représentants des grandes institutions financières du monde entier participent donc aujourd’hui à la journée Finance et Biodiversité de la COP15. Toute la semaine, ces financiers ont aussi pu participer à des évènements externes organisés en marge de la COP15.

Fait à préciser, les grands investisseurs privés sont pour la plupart ici pour appuyer les initiatives visant à atteindre l’objectif de protéger 30 % des terres et océans de la planète d’ici 2030, et pour aligner l’allocation de leurs actifs en fonction de cet objectif.

Des exemples concrets

La banque BNP Paribas est l’une de ces grandes institutions financières qui participent pour la première fois à une Conférence sur la biodiversité de l’ONU. Laurence Pessez, directrice de la responsabilité sociale et environnementale de BNP Paribas, explique que l’investissement ESG est devenu central dans la stratégie d’affaires de la plus importante banque européenne.

« On fait du financement de la transition énergétique en priorisant les énergies renouvelables. On ne fait plus, par exemple, de financement dans le charbon. On est sorti de ce secteur pour atteindre l’objectif de neutralité en 2030 en Europe et dans les pays de l’OCDE.

« On a cessé de financer les projets dans le pétrole et le gaz de schiste ainsi que les sables bitumineux en 2017 », expose Mme Pessez.

Ce qui veut dire que BNP Paribas ne participe plus à des projets d’investissement en capital dans ces secteurs d’activité, mais qu’elle accompagne les clients qui veulent se convertir à d’autres sources d’énergie renouvelable.

La banque française, présente dans plus de 60 pays, vient évaluer sur place à la COP15 les impacts de la biodiversité dans le portefeuille de ses clients.

On veut créer une méthodologie et des indicateurs communs pour toutes les institutions financières, partout dans le monde. On est ici pour que le nouveau cadre de la biodiversité soit mis en branle. On lance un appel à l’action aux négociateurs.

Laurence Pessez, directrice de la responsabilité sociale et environnementale de BNP Paribas

En poste depuis 2010, Laurence Pessez confesse que les cinq premières années de son mandat de directrice de la responsabilité sociale et environnementale n’ont pas été de tout repos.

« Au début, j’étais un poil à gratter. Mais depuis les Accords de Paris de 2015 et les cibles claires qui ont été fixées, on se rend compte que le “business vert” a un énorme potentiel de développement. C’est devenu la norme, ma vie est devenue plus facile », relève Laurence Pessez.

Les financiers sont à la COP15 pour se préparer à l’après-conférence, lorsqu’il faudra mettre en place les mesures qui auront été décidées à Montréal et que leurs institutions devront incorporer pour évaluer les nouveaux projets d’investissement avec une grille qui tient compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, ainsi que de protection de la biodiversité.