Insatisfaite de la performance d’Alstom, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) dit avoir joué son « rôle d’actionnaire » pour donner un coup de barre chez le constructeur français de matériel roulant après avoir vu la valeur de son placement multimilliardaire s’enfoncer de 73 % en trois ans.

« C’est un dossier qui est sur mon bureau, a lancé le président et chef de la direction de la Caisse, Charles Emond, jeudi, lorsqu’interrogé sur la question. Est-ce que je suis satisfait de la performance d’Alstom actuellement ? La réponse est non. Mais il est quand même tôt dans l’histoire. »

La multinationale française continue d’être affligée par les boulets de l’ex-division ferroviaire de Bombardier, dont elle est officiellement propriétaire depuis janvier 2021. La CDPQ avait joué un rôle clé dans cette transaction. Le bas de laine des Québécois, qui détenait environ le tiers de Bombardier Transport, avait converti sa participation dans Alstom en plus d’acheter des actions du géant français à un prix de 40,67 euros.

Cet investissement était alors estimé à 4,1 milliards CAN. Jeudi, la participation de 17,2 % de l’institution québécoise dans Alstom ne valait que 1,1 milliard CAN. Depuis un an, la firme française a vu la valeur de son action s’effondrer de 56 % à la Bourse de Paris. Jeudi, son titre a clôturé à 11,82 euros.

En octobre dernier, Alstom avait réservé une mauvaise surprise aux investisseurs en signalant que son exercice risquait de se terminer avec un trou de 750 millions d’euros (1 milliard CAN) dans sa trésorerie. Ce changement contrastait significativement avec sa prévision d’un excédent « significativement positif » préalablement anticipé.

Le numéro deux mondial du matériel roulant avait attribué cette situation à trois éléments : des stocks plus élevés pour appuyer une augmentation de la production, des paiements n’ayant pas encore été reçus ainsi qu’un contrat problématique qui appartenait à Bombardier Transport. Il s’agit du programme « Aventra » entourant la livraison de 443 trains à cinq clients différents au Royaume-Uni.

« C’est une question d’exécution », a estimé M. Emond.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Charles Emond. À droite, Kim Thomassin, première vice-présidente et cheffe, Québec, à la CDPQ.

Investissement à long terme

La CDPQ compte deux représentants – Kim Thomassin (première vice-présidente et cheffe, Québec) et Jay Walder – au conseil d’administration, où l’on retrouve 13 administrateurs au total. M. Emond a expliqué que l’institution québécoise avait eu son mot à dire dans les changements annoncés depuis l’automne.

Le rôle de l’actuel président-directeur général Henri Poupart-Lafarge, en poste depuis février 2016, sera réduit à compter de juillet 2024 puisqu’il ne dirigera plus le conseil d’administration. Ce mandat sera confié à l’ex-directeur général de Safran, Philippe Petitcolin.

« Il y a un plan stratégique dans lequel on s’impliquait, a dit M. Emond. Il y a des ventes d’actifs en cours pour faire baisser [l’endettement]. C’est une question d’optimiser la capacité des usines à travers le monde. Mais c’est une entreprise qui gagne encore des parts de marché. »

Le grand patron de la Caisse a réitéré qu’Alstom était un « investissement que l’on veut garder à long terme » et que l’intégration de Bombardier Transport a débuté dans « un environnement complexe » alors que la pandémie donnait du fil à retordre à toutes les entreprises.

Au Québec, le constructeur français compte 2100 employés, dont 950 à ses installations de Saint-Bruno-de-Montarville, où se trouve son siège social des Amériques. Il exploite aussi une usine de fabrication à La Pocatière, dans le Bas-Saint-Laurent.

En savoir plus
  • 3,6 milliards US
    Prix final de la vente de Bombardier Transport à Alstom
    source : Alstom
    4,2 milliards US
    Montant de la transaction au moment de son annonce, en février 2020
    source : Alstom