La Banque de développement du Canada lance un programme pilote de soutien

(Ottawa) Les signaux de détresse sont clairs. Les dirigeants d’entreprises sont aujourd’hui plus nombreux à dire qu’ils ont besoin d’aide. Mais le principal obstacle qu’ils invoquent pour ne pas entreprendre une démarche pouvant soulager leur douleur psychologique est d’ordre financier.

Depuis 2018, la Banque de développement du Canada (BDC) s’intéresse à la question de la santé mentale. Un constat s’impose : la détresse chez les entrepreneurs est en hausse, selon les sondages que mène annuellement l’institution fédérale auprès de ses clients. La courbe a d’ailleurs connu une progression marquée dans la foulée de la pandémie de COVID-19.

Pour pallier cette situation, la BDC a récemment lancé un programme pilote afin d’offrir aux propriétaires d’entreprises un accès gratuit à un professionnel de la santé mentale. C’est d’autant plus important qu’ils sont souvent soumis à une forte pression et ne sont pas toujours enclins à donner la priorité à leur santé ou à demander de l’aide.

Dans le cadre de ce programme, la BDC va offrir à un maximum de 550 de ses clients et clientes trois heures de thérapie virtuelle par l’intermédiaire de GreenShield Santé, la division des soins de santé de GreenShield, une organisation sans but lucratif de soins de santé et d’assurance.

Les clients qui auront levé la main auront aussi droit par la suite de continuer à recevoir des soins à un tarif réduit lorsque leurs trois heures auront été utilisées. En tout, la BDC compte quelque 100 000 clients actuellement. La BDC accordera la priorité aux dirigeants d’entreprises de petite taille dans le cadre de ce programme pilote.

« Comme Banque de développement, on ne s’intéresse pas juste aux résultats financiers. On sonde nos clients fréquemment sur différents sujets », lance d’emblée la présidente et cheffe de direction de la BDC, Isabelle Hudon, au cours d’une entrevue accordée à La Presse.

Un bond

La dernière ronde de consultations menée auprès des dirigeants d’entreprise a sonné l’alarme. D’abord, le nombre d’entrepreneurs qui disent qu’il y a de la détresse au sein de leur équipe a bondi de 35 % à 45 % en un an. Les causes sont multiples, mais l’inflation et l’équilibre entre le travail et la vie personnelle en sont les principales. Ensuite, le nombre d’entrepreneurs qui disent avoir personnellement besoin d’aide est passé de 20 % à 32 %.

Cette année, les résultats démontrent que la détresse augmente chez les entrepreneurs sur ces deux fronts.

Isabelle Hudon, présidente et cheffe de direction de la BDC

Le hic, c’est que de nombreux entrepreneurs affirment ne pas avoir les moyens de payer les services qui leur permettraient d’améliorer leur santé mentale.

« Quand on a ces données, quand on sait ce que l’on sait, on a une obligation d’agir en tant que Banque de développement. J’ai posé la question à mon équipe. Ça n’a pas été simple parce que c’est un sujet qui demeure tabou, c’est un sujet très personnel. Aussi, on ne voulait pas prendre la place d’autres organisations. Mais il fallait poser un premier geste pour voir ce que cela pouvait donner. Et c’est ce que l’on fait avec ce programme pilote », a expliqué Mme Hudon.

Conséquences tragiques

En entrevue, Mme Hudon a confié avec tristesse avoir vu ce que la détresse peut avoir comme conséquences tragiques chez les entrepreneurs. Durant la période des Fêtes, elle a appris qu’un entrepreneur qui faisait partie de son cercle d’amis s’était donné la mort. « Il était à la tête d’une entreprise qui avait des défis », a-t-elle indiqué sur un ton ému. « Ce n’est pas pour cela que j’ai milité pour qu’on lance le programme pilote. Ce projet était déjà dans les cartons avant cela. Il était même prêt pour qu’on l’annonce en janvier », a-t-elle précisé.

« Quand c’est arrivé, cet ami ne nous a pas donné le privilège de l’aider. Mais si on nous donne le privilège de le faire, de travailler plus en amont, alors on va peut-être pouvoir faire une différence », a-t-elle dit.

Elle a soutenu que le programme pilote répond à une demande qu’elle entend depuis son arrivée à la tête de l’institution fédérale, il y a trois ans.

« Les cicatrices laissées par la pandémie de COVID-19 sont profondes. Et très souvent, ça prend quelques années avant qu’une cicatrice ou une blessure psychologique ressorte complètement. Donc, il est fort probable que si on ne prend pas pleinement conscience de notre problème de santé mentale aujourd’hui, ces cicatrices ne vont pas disparaître pour autant, et dans cinq ou six ans on va en voir les répercussions. »