Le tourisme de masse prospère. Selon le documentaire The Last Tourist, l’industrie touristique est un moteur économique important : 80 % des pays placent le tourisme parmi leurs cinq principales sources de revenus. Plusieurs pays reçoivent plus de touristes en une année qu’ils ne comptent d’habitants.

À la fin de 2023, le tourisme aura retrouvé son niveau prépandémique. Nous devrions nous réjouir que les beautés du monde soient aujourd’hui accessibles à la multitude plutôt que réservées aux élites mondaines comme au siècle dernier. À travers les époques, la contemplation et la fascination ont toujours été des moteurs de créativité, de progrès ou d’un bonheur simple mais inoubliable pour le visiteur derrière la caméra.

D’un point de vue économique, le tourisme est un levier important, générateur d’emplois et d’exportations. On crée un lien, parfois de longue durée, avec le visiteur qui retourne chez lui avec nos produits.

L’envers de la médaille

Cependant, les témoignages-chocs de citoyens envahis et fuyant à regret les centres de Rome, Barcelone, Venise, Paris surgissent quotidiennement dans nos médias. Des sites touristiques sont pillés, des lieux de mémoire sont profanés, la restauration locale et sa culture sous-jacente cèdent le pas aux grandes enseignes américaines de fast-food.

Les commerces de services et de biens durables destinés aux résidants partent au profit des offres touristiques pour consommation immédiate. Les déchets conséquents jonchent les rues.

Même des sommets comme l’Everest étalent notre pathologique habitude à inonder notre trajet de déchets. Les pitreries décomplexées de quelques-uns sonnent l’alarme, poussent vers un ras-le-bol qui a pour toile de fond un déluge de tourisme, d’où l’expression « surtourisme ».

PHOTO GETTY, ARCHIVES FOURNIE PAR L’AGENCE FRANCE-PRESSE

File de touristes attendant leur tour pour atteindre le sommet du mont Everest.

En comptabilisant les coûts environnementaux et sociaux évidents du tourisme de masse, on peut se demander quelle est sa valeur économique réelle. Dans les endroits les plus achalandés, on peut supposer qu’elle est négative.

Une responsabilité individuelle et collective

Comble de malheur pour notre environnement et les citoyens, un des principaux adversaire et bête noire de ce phénomène opère dans un monde parallèle. Il ne possède aucun établissement et ne démontre aucune responsabilité face aux notions de préservation et de conservation. Pire, il n’hésite pas à se moquer des gouvernements, allant jusqu’à snober les comparutions en commission parlementaire.

Comme Facebook qui ne crée aucun contenu mais qui profite largement de celui de ses créateurs, Airbnb reste un simple mais omnipotent intermédiaire virtuel favorisant les déplacements et, malheureusement, le piétinement à grande échelle.

On peut à la fois admirer le génie des entrepreneurs ayant mis au monde ces GAFAM et leurs semblables, tout comme on peut déplorer leur arrogance et les conséquences de celle-ci.

Montrer du doigt ces multinationales apatrides ne nous dédouane cependant pas de nos responsabilités locales, individuelles et collectives. Permettez-moi cette ironie : si le général allemand et gouverneur de Paris von Choltitz a pu soustraire les merveilles de Paris à la vengeance des envahisseurs fuyant la ville il y a 80 ans, comment pourrions-nous rester les bras croisés devant la destruction de notre nature, de nos villes et de leurs sites historiques par des hordes de touristes armés d’un iPhone et de flip flops dernier cri ?

La crise sanitaire nous a obligés à redécouvrir l’importance de gérer nos frontières et de protéger le territoire et ses résidants. Alors que des militants et politiciens dits progressistes en appellent à la fin des nations, il semble néanmoins que ce soit à elles qu’incombera la tâche de trouver un équilibre menant au tourisme durable. Au-delà des grands principes léchés et creux, il est urgent que la gestion du territoire et de l’habitation redevienne une priorité et qu’on s’attaque aux conséquences désastreuses de l’exode de résidants et de commerces de quartier, fuyant des villes qu’ils ne reconnaissent plus. Et laissant derrière des citoyens devenus soudainement trop pauvres pour se loger chez eux.

Finalement, en amont, il est souhaitable que nos institutions pédagogiques enseignent à nos enfants qu’en voyageant, nous devenons les témoins privilégiés de sites, de panoramas et d’œuvres qui nous sont transmis. Ailleurs, nous sommes des invités, pas des citoyens du monde avec droits d’appropriation et de pillage.

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