Des milliers d'enseignants et lycéens ont manifesté mardi à Madrid contre les coupes budgétaires dans l'éducation, visé avec la santé par la politique d'austérité imposée aux régions espagnoles pour assainir leurs finances.

Sous le mot d'ordre «Non aux coupes! L'éducation n'est pas une dépense, mais un investissement», les syndicats avaient appelé les 21 000 professeurs de la région de Madrid à manifester après une journée de grève pour la défense de l'école publique.

Le gouvernement régional a demandé aux professeurs d'augmenter pour cette rentrée de 18 à 20 heures le nombre des heures de cours sur leurs 37 heures et demie de travail hebdomadaires. Une mesure qui se traduira par une détérioration de la qualité de l'enseignement, selon les syndicats.

«Je suis venue manifester parce que cela me semble une très grande injustice de décider de mesures si brutales touchant l'avenir de l'Espagne», témoignait une mère de famille de 44 ans, Raquel Portillo.

Collégiens, lycéens, enseignants et parents, côte à côte, ont défilé par milliers dans le centre de la capitale, regroupés sous les banderoles de leurs lycées, portant des t-shirts verts avec les mots «école publique de tous, pour tous».

«Nous nous sentons dévalorisés, c'est une agression contre la dignité de notre profession», lançait Emilia Leon, professeure de français de 43 ans, avant d'ajouter en français «tout le monde doit lutter pour l'enseignement public, car c'est une garantie d'égalité».

La grogne sociale s'est amplifiée ces dernières semaines dans plusieurs régions d'Espagne face aux réductions budgétaires qui touchent en particulier les secteurs sensibles de la santé et de l'éducation.

Face à un endettement record, le gouvernement central a en effet demandé aux régions de strictes économies, leur fixant un objectif de déficit budgétaire de 1,3 % de leur PIB à la fin 2011.

À Madrid, la grève de mardi dans le secondaire a été suivie par près de 80 % des professeurs de la région, selon les syndicats, 43 % selon les autorités régionales. Des arrêts de travail et mobilisations des enseignants ont été organisés au total dans dix des 17 régions d'Espagne, dont la Galice, la Castille-La-Manche et la Navarre.

«L'éducation nationale est devenue la cible des mesures d'austérité économiques des responsables politiques», s'inquiète Francisco Melcon, le président du syndicat indépendant de professeurs ANPE.

L'endettement des régions autonomes espagnoles a atteint un niveau historique au deuxième trimestre avec 133,172 milliards d'euros, soit 12,4 % du PIB du pays. Certaines tardent plus de deux ans avant de régler les factures de leurs fournisseurs de services et produits pharmaceutiques.

Face aux retards de paiements en Castille-La-Manche, sept cliniques privées chargées de pratiquer gratuitement les avortements ont suspendu le 16 septembre cette mission.

Le gouvernement catalan avait le premier annoncé, au printemps, une coupe de 10 % dans son budget en 2011, soit 2,68 milliards d'euros d'économies, qui incluent une baisse de 6,5 % des dépenses de santé.

En Catalogne, des centres hospitaliers qui assuraient également un service des urgences doivent désormais fermer la nuit, des lits d'hôpitaux ont été supprimés et des blocs opératoires suspendent leurs activités pendant plusieurs heures par semaine.

Membres du personnel de santé et certains patients se mobilisent régulièrement depuis cet été pour protester contre la réduction des services.

«Nous pouvons nous attendre à un automne chaud», analyse Fernando Vallespin, professeur de Sciences politiques à l'Université autonome de Madrid. «Pour la première fois depuis deux générations entières, les Espagnols réalisent qu'ils vont vivre moins bien.»