Resserrement du crédit, perte de valeur des entreprises, grande instabilité des marchés: les temps sont durs pour les firmes comptables qui cherchent à compléter des fusions et acquisitions pour leurs clients. Les spécialistes des chiffres ont un travail capital à réaliser, la pression est plus forte que jamais et le droit à l'erreur est pratiquement inexistant.

«Le resserrement du crédit et la perte de valeur des entreprises ont fait diminuer l'importance des transactions. Les gens qui auparavant auraient souhaité vendre ne le veulent plus, parce que leur entreprise a perdu beaucoup trop de valeur. En fait, seulement les vendeurs vraiment désespérés veulent toujours aller de l'avant et les transactions conclues sont de nature opportuniste», explique Pierre Bérubé, associé, Financement corporatif KPMG.

Mathieu Gauvin, vice-président du groupe de financement d'entreprises chez RSM Richter, constate le même phénomène. «Avant, les vendeurs magasinaient la compagnie qui leur offrirait le prix le plus élevé alors que maintenant, les acheteurs ont le beau jeu et ciblent les entreprises en difficulté qui se voient forcées de vendre à bas prix.»

Mettre le client en valeur

Lorsqu'une firme comptable travaille pour le vendeur, elle doit d'abord composer avec le fait que la liste d'acheteurs potentiels est souvent moins longue qu'auparavant. «Nous devons tenter de créer de l'intérêt du côté des acquéreurs potentiels à l'égard de la compagnie que nous représentons», précise M. Bérubé.

Enfin, face à un ou quelques propositions d'acheteurs potentiels, la firme comptable doit jouer un rôle devenu particulièrement crucial depuis quelque temps: évaluer si l'acheteur potentiel est en bonne position pour financer la transaction.

«Nous avons toujours dû faire cette partie du travail, mais actuellement, nous sommes beaucoup plus prudents. Parfois, il nous arrive même de proposer une structure de financement à l'acquéreur pour faciliter les conditions de réalisation de la transaction», ajoute-t-il.

Une vérification plus en profondeur

Lorsque la firme comptable travaille avec l'acheteur, l'étape capitale du travail à réaliser est sans aucun doute la vérification diligente. C'est encore plus vrai aujourd'hui, avec l'instabilité des marchés et la baisse des profits des entreprises.

«La vérification diligente prend maintenant beaucoup plus d'ampleur parce que nous devons toujours continuer à regarder les résultats de l'entreprise, mais en plus, nous devons suivre de près l'impact de la crise de l'an dernier sur la suite des choses», explique Pierre Bérubé.

En réalité, tout se joue dans la capacité d'une entreprise de traverser la crise sans que sa performance soit trop affectée. Plus l'impact est grave, plus la valeur de l'entreprise baissera. Si, évidemment, les firmes comptables ne peuvent prédire l'avenir, elles doivent tout de même faire davantage dans le prospectif, indique M. Bérubé.

«Nous nous demandons si le niveau de profitabilité de l'entreprise peut se maintenir en regardant différents facteurs. Par exemple, nous analysons l'équipe de gestion, les mesures mises en place pour traverser la crise, les contrats signés, les créances, la situation des clients de l'entreprise, etc.»

C'est à la lumière de cette vérification diligente approfondie que la firme comptable sera en mesure de bien conseiller son client sur l'achat de l'entreprise et sa juste valeur.

 

Aller chercher du capital au plus vite

Le crédit se resserre, le profit de plusieurs entreprises fond comme neige au soleil, la valeur des entreprises chute: c'est la crise! Bien des dirigeants d'entreprise paniquent. Résultats? «La plupart d'entre eux cherchent automatiquement des façons de réduire leurs dépenses pour traverser la crise», remarque Mathieu Gauvin, vice-président du groupe de financement d'entreprises chez RSM Richter.

Or, le spécialiste croit que les dirigeants d'entreprises auraient avantage, lorsque les premiers signes d'une tempête se font sentir, à tout de suite aller solidifier leur financement avec des investisseurs institutionnels.

«En allant chercher, par exemple, l'appui d'un fonds de travailleurs, l'entreprise s'outille pour passer au travers de la crise. Il ne faut toutefois pas attendre que sa rentabilité ait trop diminué pour aller cogner à la porte de ces investisseurs parce qu'il sera beaucoup plus ardu de les convaincre.»

Mathieu Gauvin précise également qu'une entreprise qui a réussi à obtenir l'appui d'investisseurs institutionnels sera en meilleure position par la suite pour saisir les occasions qui se présenteront à elle. «Si une entreprise repère un concurrent au bon potentiel qui vit des difficultés et qui est obligé de vendre à bas prix, elle aura plus de facilité à aller chercher du financement auprès des banques si elle a déjà le soutien d'investisseurs institutionnels. Elle risque moins de voir cette chance lui filer entre les doigts, un luxe qu'on ne peut se payer lorsqu'on fait des affaires.»