Une dame âgée qui était dans le déni, n’acceptant pas son diagnostic de la maladie de Parkinson, sera hébergée contre son gré. La Cour d’appel du Québec a confirmé qu’elle devait recevoir des soins et des médicaments appropriés pour son état, même si elle les refuse.

C’est l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, à Montréal, qui s’est adressé au tribunal, inquiet de l’état de la femme âgée de plus de 80 ans.

Il y a environ 10 ans, celle-ci avait reçu un diagnostic de la maladie de Parkinson.

Elle habite alors chez sa fille, mais ni elle-même ni sa fille n’admettent sa condition médicale, ce qui fait croire aux professionnels de la santé impliqués qu’elle ne suit pas les prescriptions médicales requises pour son état. La médication appropriée lui est administrée à l’hôpital, ce qui lui permet de s’améliorer, mais dès son retour à la maison, elle cesse les traitements, ce qui conduit inévitablement à un nouveau retour en milieu hospitalier, est-il relaté dans la décision de la Cour d’appel rendue la semaine dernière.

Puis la situation s’est encore plus détériorée l’an dernier.

Lors d’un suivi psychosocial à domicile, il est constaté que la dame a des contentions aux poignets, qu’elle dit avoir demandées parce qu’elle tremble. Elle n’a pas reçu sa médication. Après une vérification faite à la pharmacie, il est découvert que ses prescriptions n’ont pas été renouvelées. Sa fille refuse les soins et les équipements proposés car elle estime que l’état de sa mère relève plutôt de symptômes psychologiques, et avance sa propre théorie de « maladie de Münchhausen », lit-on dans la décision.

L’hôpital a donc demandé à la Cour d’autoriser les traitements, ce qui fut fait par le juge Benoît Emery de la Cour supérieure à l’été 2019, pour une durée de trois ans. Il a conclu que la dame était inapte à consentir ou à refuser des soins.

La dame et sa fille contestent ce jugement.

D’abord, la mère soutient qu’elle n’est pas inapte et qu’elle peut donc refuser des traitements qu’elle ne souhaite pas. C’est son droit absolu, plaide-t-elle. De plus, l’ordre d’hébergement n’est pas justifié selon elle, car il serait « démesuré eu égard à ses effets bénéfiques ».

La Cour d’appel a examiné la preuve – notamment celle d’experts médicaux – et conclut, comme le juge Emery, que la dame ne comprend pas la nature de sa maladie. « Il s’agit d’un cas de déni de diagnostic », tant chez elle que chez sa fille.

Le long rapport d’évaluation psychosociale déposé à la cour abonde dans le même sens : le déni de diagnostic est incontestable. Il conclut que la sécurité de la dame à domicile est compromise vu qu’elle ne reçoit ni les soins ni les services requis par son état de santé, ce qui entraîne une détérioration de son état.

« Au final, la preuve appuie la conclusion du juge de première instance selon laquelle, en raison de son déni de la maladie qui affecte sa compréhension de sa maladie et des soins qu’elle requiert, madame est inapte à consentir ou à refuser les soins. »

La Cour d’appel convient toutefois que l’ordonnance d’hébergement « entraînera des effets néfastes » pour la dame, dont le fait qu’elle devra quitter le milieu auquel elle est habituée depuis plusieurs années et le fait qu’elle n’habitera plus avec sa fille qui constitue la grande partie de son cercle social.

Mais elle tranche que sa santé et sa sécurité doivent primer et pour cela, elle doit recevoir des soins appropriés.

Une cause surprenante ?

Si les cas les plus médiatisés de soins ordonnés par les tribunaux concernent souvent des enfants et des Témoins de Jéhovah qui refusent des transfusions sanguines, le cas de cette dame âgée n’est pas inhabituel, juge Me Catherine Pariseault de chez Lavery Avocats, spécialisée notamment en droit professionnel et en autorisations de soins.

Au cours de sa pratique, elle a vu des traitements médicaux être ordonnés par la Cour dans le cas d’adultes souffrant de problèmes psychiatriques, comme la schizophrénie, ou encore de maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer.

Si les raisons pour lesquelles un établissement de santé cherche à être autorisé à fournir des soins sont multiples, les traitements requis le sont aussi : médicaments, amputation, électrochocs, soins dentaires, hébergement en résidence.

Évidemment, ces ordres de la Cour ne sont possibles que lorsqu’un majeur a été déclaré inapte, et qu’il refuse catégoriquement des soins, a expliqué l’avocate en entrevue. Si la personne est apte, le juge ne peut s’immiscer dans ses décisions.

« Un juge ne peut forcer une personne apte à subir des traitements contre son gré », même si la décision peut paraître déraisonnable, a souligné Me Pariseault.