Des huissiers dépêchés d'urgence par le Collège des médecins ont saisi ces derniers jours tous les dossiers médicaux d'une médecin fraîchement radiée qui était disparue dans la nature avec les dossiers de ses patients, dont certains avaient besoin d'un suivi rapide.

Le Collège se présentera d'ailleurs en cour ce matin pour demander qu'un juge remette les dossiers des patients à une personne digne de confiance, le temps que la cause disciplinaire de Danielle Serra soit étudiée en profondeur.

Mme Serra est une médecin de famille qui pratiquait depuis 42 ans et suivait une vaste clientèle dans les Laurentides. Elle s'occupait jusqu'à récemment de nombreux dossiers d'accidents de travail examinés par la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

Selon une requête déposée à la Cour supérieure par l'ordre professionnel de la profession médicale, elle fait preuve d'une « désorganisation générale dangereuse depuis plusieurs années ».

PORTE CLOUÉE

Dès 2009, une inspection avait révélé de nombreuses lacunes en matière de tenue de cabinet, gestion des dossiers, qualité de son exercice et justesse de ses diagnostics, selon le Collège. Son ordre lui avait imposé un stage de perfectionnement de 20 jours, auquel elle avait échoué. On lui avait alors imposé un deuxième stage de 40 jours.

Lorsqu'un enquêteur du Collège s'était présenté chez elle, en 2011, elle s'était barricadée en évoquant la possibilité qu'elle se donne la mort. L'enquêteur avait eu la surprise d'entendre quelqu'un clouer la porte de l'intérieur. À l'époque, le Collège disait être sollicité par plusieurs de ses patients qui n'arrivaient pas à obtenir leurs résultats de divers examens médicaux, et par des cliniques qui recevaient les résultats de tests de patients qui n'étaient pas les leurs.

UN FAUX DOSSIER POUR LE « ROI DE LA PHARMACIE »

Les choses ont empiré l'an dernier. Le Collège a reçu une plainte alléguant que la Dre Serra avait constitué un faux dossier médical pour Jonathan Perreault, le « roi de la pharmacie », un trentenaire qui s'était bâti un empire d'une quarantaine de pharmacies Uniprix, avant d'être radié pour fausses ordonnances, ristournes illégales, fraude et pratique sous l'effet de substances psychotropes, entre autres.

Le syndic du Collège avait indiqué que malgré toutes ses tentatives, la Dre Serra a refusé de collaborer à l'enquête et de lui remettre les documents liés à ce patient. Elle a donc été radiée provisoirement le 1er mars, le temps que les allégations puissent être étudiées sur le fond.

Mais selon l'enquête du syndic, elle aurait continué à voir des patients et aurait confié à des collaborateurs qu'elle ignorait qu'elle avait été radiée, car elle n'ouvrait plus la correspondance expédiée par son ordre professionnel.

Elle aurait ensuite pris la fuite avec les dossiers des patients, qui étaient incapables d'avoir un suivi ou de transférer leur dossier à un autre médecin. Elle se montrait complètement injoignable ces derniers jours.

« Cette situation est d'autant plus inquiétante que certains résultats nécessitent des suivis rapides auprès des patients », précisait la requête du Collège.

« Dre Serra avait plusieurs rendez-vous et de nombreux suivis de CNESST à effectuer, mais ils devront être annulés malgré certaines urgences », poursuit le document.

DANS LES LOCAUX D'UNE SECTE ?

« La protection du public est en cause et justifie une intervention immédiate », y lit-on. L'une des adresses où, soupçonne le syndic, des dossiers ont été conservés est une maison de Labelle appartenant aux Apôtres de l'amour infini, secte d'inspiration catholique ultra traditionnelle qui a eu de nombreux démêlés avec la justice. Mme Serra ne semblait pas avoir de lien connu avec la secte dans son entourage. Récemment, sur Facebook, elle faisait plutôt la promotion du groupe d'extrême droite La Meute.

Un huissier a fini par la retrouver et prendre possession des documents cette semaine. Le sort des dossiers devrait être fixé par la cour rapidement.