Le Montréalais John Brkich habite au Centre d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) du Pavillon Grace Dart depuis 43 ans. Mais d'ici septembre, cet établissement qui dessert la clientèle anglophone de l'est de Montréal fermera ses portes et déménagera plusieurs de ses 95 résidants à 45 km de là, vers l'ancien hôpital des Anciens Combattants, dans l'ouest de Montréal.

« J'ai deux frères qui habitent à côté de moi ici. Pour venir me voir dans l'ouest, ça prendrait trois heures en transports en commun. Ils ne viendraient tout simplement pas », constate M. Brkich, 62 ans.

Impliqué depuis longtemps dans le comité des utilisateurs du CHSLD Grace Dart, M. Brkich est atteint d'une forme de paralysie cérébrale qui le cloue à son fauteuil depuis sa naissance. Pour lui, les intervenants de Grace Dart sont comme une deuxième famille. Il ne digère pas la fermeture de l'établissement, annoncée en mars par les autorités de santé. « Il n'y a pas de bonnes raisons. Je ne comprends pas. Et plusieurs autres résidants non plus », plaide-t-il.

Un bâtiment vétuste

Porte-parole du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal, Claire Roy explique que le CHSLD Grace Dart possède deux pavillons : celui de la rue Sherbrooke et celui de la rue Sainte-Catherine Est. Pour l'instant, seul le pavillon de la rue Sherbrooke ferme ses portes, car il est trop vétuste.

Le dernier rapport d'évaluation ministériel du Pavillon Grace Dart, daté d'août 2015, note que « les lieux ne sont pas propres et pas bien entretenus » et que l'établissement « n'a pas mis en place de plan de maintien des installations matérielles visant à maintenir les lieux physiques propres et bien entretenus ».

« Nous avons offert aux résidants des deux pavillons de déménager », note Mme Roy. En tout, 96 résidants seront transférés vers l'ouest à l'automne. Les patients qui désireront rester dans l'est de Montréal pourront être relogés dans le pavillon de la rue Sainte-Catherine Est, souligne Mme Roy, qui ajoute que tous sont suivis étroitement afin que la transition se déroule bien.

Un établissement anglophone

Avec la fusion des établissements de santé du Québec en 2015, le CHSLD Grace Dart a été intégré au CIUSSS de l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal. La porte-parole du ministère de la Santé, Noémie Vanheuverzwijn, explique que « cette décision a été prise en considérant que la plupart de la clientèle de Grace Dart provient de l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal ». Celle-ci ajoute que « le noyau majeur de la clientèle anglophone présente à Grace Dart » a pesé dans la balance.

Mme Roy affirme que les proches des résidants venant de l'ouest de Montréal sont très heureux du déménagement. « Plusieurs citoyens se plaignaient de la grande distance », dit-elle.

Mais le vice-président pour la région de Montréal de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), Luc Bastien, note que plusieurs résidants anglophones viennent de l'est de Montréal et que ceux-ci, comme M. Brkich, ne veulent pas partir. M. Bastien s'interroge également sur la pertinence de fermer un CHSLD dans l'est de la métropole alors « qu'il y a environ 1000 personnes en attente d'une place d'hébergement dans l'est de Montréal ».

La porte-parole du CIUSSS de l'Est-de-l'Île-de-Montréal, Florence Menay, réplique qu'il n'y a pas de liste d'attente pour les CHSLD dans l'est de la métropole actuellement. « Les patients qui veulent une place rapidement peuvent en obtenir une en une semaine, dit-elle. Mais pour les patients qui veulent un établissement en particulier, l'attente peut être plus longue. »

Peur des employés

Président du syndicat local de Grace Dart, Jacques-Édouard Baron estime que le Pavillon Grace Dart aurait dû rester ouvert. « Nous venons d'être accrédités par Agrément Canada avec un taux de succès de plus de 90 % ! D'autres établissements du réseau de la santé sont bien plus vétustes que nous et ne ferment pas », dit-il.

Plusieurs employés se demandent comment ils pourront aller travailler dans l'ouest de l'île. « Il n'y a pas de train le week-end. En transports en commun, c'est très long. Plusieurs employés sont désemparés », dit-il.

Quant à M. Brkich, il déménagera au pavillon de la rue Sainte-Catherine Est. « Mais j'ai bien peur qu'ils ne ferment éventuellement ce pavillon également », dit-il. Questionnée à savoir si le pavillon de la rue Sainte-Catherine fermera ses portes dans le futur, Mme Roy répond que « tout [leur] travail va au transfert harmonieux et serein des 96 résidants vers l'hôpital Sainte-Anne en septembre 2016. Il s'agit de [leur] seule priorité et projet actuellement ».

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Le Pavillon Grace Dart, qui dessert la clientèle anglophone de l’est de Montréal, fermera ses portes et déménagera plusieurs de ses 95 résidants à 45 km de là, vers l’ancien hôpital des Anciens Combattants.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Longtemps sous la gouverne d’Ottawa, l’hôpital des Anciens Combattants à Sainte-Anne-de-Bellevue a été rapatrié à l’autorité de Québec le 1er avril dernier.

Transactions immobilières

Longtemps sous la gouverne d'Ottawa, l'hôpital des Anciens Combattants à Sainte-Anne-de-Bellevue a été rapatrié à l'autorité de Québec le 1er avril dernier. C'est dans cet établissement rénové que seront transférés 96 résidants du CHSLD Grace Dart à l'automne. Pour l'instant, impossible de connaître le sort réservé au Pavillon Grace Dart de la rue Sherbrooke, dont la construction remonte à 1907. La bâtisse « appartient à une corporation », affirme la porte-parole du CIUSSS de l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal, Claire Roy. Personne de la corporation de la Fondation Grace Dart n'a rappelé La Presse pour discuter de l'avenir du bâtiment.