Vous jetez un coup d'oeil à l'emballage de vos frites surgelées. Surprise: vous y trouvez un message de... Santé Canada.

Le ministère fédéral a lancé une «campagne d'éducation sur le tableau de la valeur nutritive» en collaboration avec 34 entreprises alimentaires. Budget de l'opération: 1,6 million de dollars. Santé Canada fournit 610 000$, et Produits alimentaires et de consommation du Canada (une association de fabricants) verse 1 million, a appris La Presse. Même la chaîne McDonald's participe et imprime les publicités fédérales sur ses napperons de papier.

«Actuellement, 175 millions de produits ont un message de Santé Canada sur leur emballage», a indiqué Élaine De Grandpré, diététiste au ministère fédéral. Les publicités se trouvent sur un large éventail d'aliments, des céréales aux oeufs en passant par la margarine et les frites surgelées. «Ce n'est pas une campagne qui porte seulement sur les aliments qui sont les meilleurs pour la santé», a reconnu la diététiste.

Apparence de cautionnement

Ne craint-on pas que les consommateurs croient qu'Ottawa cautionne les frites? «Les produits ne sont pas approuvés par Santé Canada, c'est une façon de rejoindre le plus de gens possible, a fait valoir Mme De Grandpré. La campagne vaut probablement cinq ou six fois plus cher que ce qui a été investi.»

Selon Santé Canada, les Canadiens regardent peu les pourcentages de l'apport quotidien recommandé, à droite du tableau de valeur nutritive. Ils sont pourtant utiles puisqu'ils permettent de connaître la teneur d'un aliment en fibres, en sel, en gras, etc. D'où la campagne d'éducation, aussi déclinée à la télévision, dans les magazines et les réseaux sociaux jusqu'à la fin de 2011. Déjà, «on a vu une augmentation des visites sur notre site internet» grâce à ces publicités, a indiqué Mme De Grandpré.

Coalition poids dénonce

L'initiative a fait fortement réagir Suzie Pellerin, directrice de la Coalition poids. «Le fait d'associer aussi intimement une instance gouvernementale au produit laisse croire que cet aliment est bon pour la santé ou est recommandé», a-t-elle dénoncé. Or, seuls les produits emballés, généralement transformés, peuvent porter le message. «Une pomme ne peut bénéficier de ce type d'affichage», a-t-elle souligné.

Plutôt que de se lancer dans des campagnes en partenariat avec les fabricants, «le gouvernement canadien devrait encadrer les pratiques de l'industrie agroalimentaire, afin de s'assurer que les aliments sur le marché contiennent moins de sodium, de sucre ou de gras», a suggéré Mme Pellerin.

Une campagne astucieuse selon un chercheur

Au contraire, «l'information sur le contenu des aliments est très utile pour éclairer les choix des consommateurs», estime Bruno Larue, directeur du Centre de recherche en économie agroalimentaire (CREA) de l'Université Laval. Les gens ont généralement peu de connaissances sur les aliments qu'ils mangent, soit parce qu'ils n'ont pas de problème particulier qui les poussent à se renseigner, soit parce qu'ils surestiment leurs connaissances, ont démontré les travaux du CREA. «Une forte proportion de consommateurs ne lisent pas les étiquettes», a-t-il ajouté.

Or, «la plupart des gens regardent les boîtes de céréales en déjeunant, a souligné le chercheur. C'est donc un moyen astucieux de rappeler aux consommateurs de regarder les étiquettes.»