La domination des Chinois en plongeon est telle que la victoire semble parfois leur revenir de droit. Mais rien n'est jamais coulé dans le béton. C'est la beauté du sport. La Lavalloise Roseline Filion l'a rappelé avec éclat en remportant l'épreuve de 10 mètres à la dernière Coupe Canada de plongeon. Pour cette victoire obtenue à l'arraché, qui couronnait une séquence heureuse sur le prestigieux circuit des Séries mondiales, La Presse et Radio-Canada nomment Roseline Filion Personnalité de la semaine.

Dans les gradins de la piscine olympique, le 1er mai dernier, il y avait peut-être un millier de spectateurs. En majorité des Chinois de Montréal, attirés par une campagne de promotion des organisateurs de la Coupe Canada de plongeon, épreuve internationale du circuit Grand Prix. Pour cette finale à la tour de 10 mètres, ils espéraient une victoire des leurs, Huixia Liu et Sinuo Ma.

Depuis le début de la compétition, Liu et Ma, bien que minuscules, dominaient leur sujet d'une tête. Jusqu'à un improbable couac à l'avant-dernier plongeon.

Imperméable à ce qui se passait autour d'elle, concentrée sur la tâche à accomplir, Roseline Filion a enchaîné cinq plongeons solides et réguliers. La jeune femme de 23 ans a été récompensée par une victoire inattendue, la plus belle de sa carrière.

Filion a pris la mesure de son exploit en voyant sa coéquipière Jennifer Abel fondre en larmes à l'annonce des résultats. Le lendemain, les félicitations ont continué de fuser, autant de la part de ses coéquipiers que des plongeurs étrangers.

«Je pense que les gens étaient tellement contents que ce ne soient pas des Chinoises qui gagnent! Ça fait chaud au coeur», a raconté Filion quelques jours après la compétition, où elle a aussi gagné l'argent au 10 mètres synchronisé.

Intimidante plateforme

Filion venait d'avoir 9 ans quand Annie Pelletier a arraché le bronze aux Jeux olympiques d'Atlanta, en 1996. La petite Roseline, qui faisait de la gymnastique depuis l'âge de 4 ans, s'est tournée vers ses parents pour leur dire: «C'est maintenant du plongeon que je veux faire.»

Filion s'imaginait virevolter au-dessus du tremplin comme Annie Pelletier quand elle est arrivée au club de plongeon de Laval. «J'étais convaincue d'aller aux Jeux olympiques au 3 mètres. J'aimais ça, le 3 mètres, jusqu'à ce que je réalise que je n'étais pas aussi concurrentielle que les autres...»

Un crochet vers l'intimidante plateforme s'est donc imposé. Filion se souvient presque avec effroi de son premier gros plongeon de la tour de 10 mètres, à 14 ans. «Je m'étais dit: qu'est-ce que je fais ici, je ne devrais pas être en haut pour me lancer en bas! J'avais vraiment, vraiment peur.»

Quatre ans plus tard, aux Championnats du monde FINA de Montréal, Filion a causé la surprise en gagnant le bronze au 10 mètres synchronisé avec sa partenaire Meaghan Benfeito.

Première page des journaux, plateaux de télé, notoriété instantanée. L'expérience a été grisante. Ce qui a rendu la suite d'autant plus pénible, en particulier les Jeux olympiques de Pékin, où le duo s'est classé septième.

Persévérance

Dans le regard des gens - et les questions cruelles des journalistes! -, Filion a senti un malaise. D'aucuns se demandaient si Émilie Heymans et Marie-Ève Marleau, que Filion et Benfeito avaient battues à la régulière aux sélections, n'auraient pas mieux réussi.

Filion en a longtemps été «blessée» et «peinée». «J'ai mis un an et demi avant de revoir la compétition», dit l'étudiante en communications à l'Université de Montréal qui rêve de devenir... journaliste.

Elle a mis du temps à se remettre au synchro avec Benfeito, qu'elle considère comme une soeur. L'été dernier, elles ont remporté le bronze à la Coupe du monde de Changzhou, la compétition la plus relevée de l'année.

En vue des Jeux olympiques de Londres, l'été prochain, Filion a ajouté un plongeon à son arsenal, le trois et demi retourné. Elle s'y cassait les dents depuis 2004. Son torse est relativement court par rapport à ses jambes, ce qui complique l'exécution des rotations.

Depuis septembre, Filion n'a jamais travaillé aussi dur à l'entraînement. Sous les conseils de son entraîneur Cesar Henderson, elle a carrément doublé les répétitions dans l'eau. «Je me souviens de certaines pratiques où je rampais presque par terre tellement je n'étais plus capable.»

Les résultats n'ont pas été immédiats. Aux championnats canadiens, en février, Filion a fini seulement quatrième. Elle a persisté avec le trois et demi retourné et continué d'y croire. Son triomphe à Montréal lui a donné raison.

Je pense que les gens étaient tellement contents que ce ne soient pas des Chinoises qui gagnent! Ça fait chaud au coeur.