C'est un peu grâce à lui si l'été morose québécois a été un peu plus rieur. Émile Gaudreault, réalisateur et coscénariste du film De père en flic, a eu cette idée, sur la trame du rire et de l'émotion, de présenter l'univers mâle de père en fils.

Depuis sa sortie en salle au début du mois de juillet, le film a mené une bataille plus qu'honorable aux films de l'été venus d'autres coins du monde et il intéresse maintenant Hollywood. Un judicieux choix d'acteurs a contribué à créer la magie.

 

S'il en avait le pouvoir, Émile Gaudreault s'effacerait, dans ce texte de Personnalité, comme derrière la caméra. Et il braquerait les projecteurs uniquement sur son équipe. Mais il est temps de rendre à César ce qui est à César...

C'est donc à son tour d'être choisi Personnalité de la semaine par La Presse et Radio-Canada.

Inspiré

C'est au cours du visionnement d'un documentaire sur une réelle thérapie père-fils qu'il a eu l'idée d'un récit à raconter sur grand écran. «Je souhaitais d'abord que cette histoire soit bien construite, précise-t-il. Elle devait être cohérente, organique.»

Le réalisateur, toujours proche de son public, a voulu à la fois le toucher et le faire rire. Et dans ce tourbillon d'émotions, les acteurs ont réussi à merveille à nous entraîner dans leur univers disjoncté. «J'ai de l'empathie pour mes personnages. Je les aime. Comme j'aime cette chimie entre les acteurs qui leur donnent vie.»

En plus d'être réalisateur, Émile Gaudreault est aussi scripteur et scénariste. Il a fait partie du Groupe sanguin de 1986 à 1990. L'humour est tout naturel dans sa vie professionnelle; il a scénarisé Louis 19, le roi des ondes, sorti en 1994, scénarisé et réalisé Mambo Italiano, pour ne nommer que ceux-là. À 45 ans, Émile Gaudreault maintient le rythme d'une production marquante.

L'imaginaire

Il a passé sa jeunesse à Alma, à Lac-à-la-Croix. Aîné d'une famille de trois enfants, ses parents étaient enseignants. Cependant, sa réalité d'alors est marquée par son imaginaire débridé. «Je vivais dans un univers parallèle», confie-t-il. À 14 ans, il vivait pour lire, rêver, voir des films, tous les films grand public présentés à Alma, y compris les films d'horreur. «Il n'y avait pas de film d'auteur à l'époque.» Stephen King et plus tard Steven Spielberg sont ses premiers modèles. À 22 ans, en 1986, il aborde la grande ville, Montréal, et le Groupe sanguin. Au cours des années qui suivent, il se frotte aux virtuoses du métier, humoristes, metteurs en scène, etc. et plonge dans cet univers d'artistes qui reconnaissent son immense talent.

Le rêve et l'imaginaire ont parfois un côté insidieux. Perméable à outrance aux moments importants de sa vie, il vit longtemps sur le mode anxiogène, imaginant des scénarios, imaginaires ou réels. C'était avant d'entreprendre un long cheminement intérieur qui le mènera à voir la vie différemment, à l'aborder avec plus de sérénité. «Imaginer ce qui peut arriver est en soi un stress qui nuit à la productivité. Je me suis donné la permission d'être différent, voire étrange, mais d'être qui que je suis.»

Toute cette démarche favorisera sa créativité, l'ouvrira sur les arts en général, là où il trouve désormais, dans un retour à l'innocence, un apaisement indéniable. «Les arts sont une réanimation.» Il est ému, il s'extasie devant la beauté, le talent et l'intelligence. Et il n'est pas le moins du monde envieux, au contraire. «Je me laisse aller à pleurer», dit-il, si l'oeuvre est belle, même un film.

Chaque jour il s'installe à sa table de travail pour écrire dès le matin et durant l'après-midi. C'est son territoire inviolable, sa bulle. «J'ai compris un jour que je devais le faire. Dans les limites de mon talent», ajoute-t-il, modeste. Chez cet homme qui aime d'abord la cohérence, il va de soi qu'au travail et dans sa vie personnelle, lorsqu'il s'engage, il va jusqu'au bout.

L'énergie qui l'anime est palpable: il est enthousiaste, expansif, exubérant. Il donne tout ce qu'il a dans le contexte de la création d'un film, mais il garde intacte sa capacité d'être ému devant le talent extraordinaire de ses complices, ses acteurs et ses collaborateurs.

«Je suis privilégié de vivre au Québec, de faire de la comédie, de pouvoir ne faire que ce qui me passionne.»

Ses succès, son humour, son cheminement, ses jardins secrets, où logent encore quelques démons comme en chacun de nous, n'ont pas eu raison de son âme ni de son humanité: «Je crains la maladie et la souffrance en général, mais ce qui me touche davantage, c'est la solitude, celle des vieillards et celle des enfants.»

Je suis privilégié de vivre au Québec, de faire de la comédie, de pouvoir ne faire que ce qui me passionne.

Ses succès, son humour, son cheminement, ses jardins secrets, où logent encore quelques démons comme en chacun de nous, n'ont pas eu raison de son âme ni de son humanité : «Je crains la maladie et la souffrance en général, mais ce qui me touche davantage, c'est la solitude, celle des vieillards et celle des enfants.»