Il est le genre de médecin que l'on veut voir au chevet d'un enfant hospitalisé aux soins intensifs. Un médecin qui soit à la fois compétent et chaleureux. Le Dr Jacques Lacroix, chercheur et pionnier des soins intensifs pédiatriques au Québec, est de ceux-là. Depuis près de 30 ans, penché sur les petits malades qui lui sont confiés, il consacre temps et énergie à comprendre, analyser et proposer de nouvelles approches de traitement.

En avril 2007, le prestigieux New England Journal of Medecine a présenté les résultats d'un essai clinique multicentrique piloté par le Dr Jacques Lacroix, qui portait sur les stratégies de transfusion chez les enfants hospitalisés aux soins intensifs. Une autre étude en cours donnera encore plus de poids à ses conclusions.

 

Pour l'ensemble de son travail, pour sa contribution exceptionnelle à la mise sur pied du CHU mère-enfant Sainte-Justine, pour son amour des enfants et pour sa première préoccupation, qui est de faire évoluer les soins qu'ils reçoivent, ses pairs lui ont remis il y a quelques semaines le prix Sainte-Justine. La Presse et Radio-Canada le nomment Personnalité de la semaine.

Dévouement total

Il y a des gestes de base dans le traitement d'un enfant aux soins intensifs. La transfusion sanguine en est un. Mais ce n'est pas toujours un geste heureux. Jusqu'ici, aucune donnée précise ne permettait de guider les médecins traitants dans la décision d'administrer une transfusion à un enfant dans un état critique. Maintenant, grâce au Dr Lacroix, ils en ont une meilleure idée. «Nous publions nos travaux et le résultat de nos recherches, mais il faut du temps parfois pour que certaines pratiques soient revues et corrigées», déclare le médecin, prêt à partir sur les routes pour répandre la nouvelle.

L'hôpital Sainte-Justine compte 24 lits de soins intensifs. Le taux moyen d'occupation est de 16. C'est un lieu particulier dans l'hôpital; plein d'anxiété, mais aussi rempli de lumière et d'espérance. Un lieu, dit le médecin, où les enfants «font ressortir en nous ce qu'il y a de meilleur». Des combats quotidiens et féroces ont lieu là, dans le seul objectif de redonner le sourire aux petits malades, qui ne sont généralement pas dupes de la gravité de leur état.

Depuis l'époque où, dans les années 80, il assurait des gardes de 24 heures aux soins intensifs, il y a eu beaucoup de progrès dans les traitements. C'est grâce à des chercheurs dévoués du calibre de Jacques Lacroix. «Le moteur de cette action, ce sont les enfants eux-mêmes. Leur force, leur courage, leur sourire d'abandon et de confiance», dit-il modestement.

Placé plus souvent qu'à son tour devant la mort, Jacques Lacroix a dû, très tôt dans sa carrière, trouver des outils d'autoprotection. «Un jour, raconte-t-il, malgré tous nos efforts, j'ai perdu un petit bébé à cause d'une malformation cardiaque inopérable. J'en ai été bouleversé et j'ai traîné cette humeur triste même une fois rentré à la maison. Ma femme m'a demandé si j'avais été comme ça toute la journée et si cet enfant avait été mon seul patient. J'ai compris alors que je devais trouver des moyens de me protéger, sinon je ne tiendrais pas le coup.»

Il travaille encore à maintenir l'équilibre précaire entre rigueur et empathie.

Travail d'équipe

Il rend hommage à l'équipe de soins, notamment aux infirmières, dont la compétence, parfois l'intuition deviennent des atouts indispensables. Cette équipe aux soins intensifs, c'est d'abord une connivence, celle qui fait prendre d'un seul regard les meilleures décisions.

«J'ai eu des personnes extraordinaires autour de moi. On ne peut pas être responsable de tout. Il faut savoir passer le bâton.»

Il a 58 ans. Il a appris très tôt dans sa vie «les petits bonheurs de la découverte». C'est la botanique, dans un camp de sciences naturelles au collège Saint-Laurent, qui l'y a mené en premier lieu. L'enfant tranquille aimait beaucoup étudier par lui-même. Sa confiance en lui et son plaisir lui sont venus par un oiseau. «J'ai proposé comme premier sujet de recherche le milieu botanique du bruant familier.» L'ornithologie est devenue dès lors une véritable passion.

Sa petite enfance, jusqu'à l'âge de 10 ans, se passe à Saint-Joseph-de-Sorel, au milieu du paysage, tout au bord du fleuve, où il regardait passer les navires avec son grand-père. Où ses rêves prenaient le large.

L'amour de la recherche. Et de la découverte. C'est par ce chemin qu'il a abordé la médecine. Il n'y a pas de doute que l'intensité de sa personnalité, l'équilibre entre action et contemplation ont servi la cause des enfants malades. Le pédagogue transmet aux étudiants en médecine, aux spécialistes, une science qui n'est pas désincarnée.

«La chose le plus importante pour moi? Rendre les autres heureux et y trouver mon bonheur», dit-il spontanément. Et il ajoute, les yeux brillants, à la manière d'un enfant qui par son seul sourire nous fait oublier la laideur: «Être encore capable d'émerveillement, c'est important. Mais pouvoir amener quelqu'un à s'émerveiller, c'est encore plus formidable.»

Et si le courage d'un enfant devenait matière à émerveillement?