Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) a invité hier le ministère des Transports du Québec à réétudier son dossier avant de transformer la route 335 en autoroute sur une distance de huit kilomètres, à Laval et Bois-des-Filion, en banlieue nord de Montréal.

Dans un rapport de 126 pages rendu public hier, le BAPE critique assez durement la plupart des éléments phares de ce projet de parachèvement de l'autoroute 19, qui prévoit la transformation de la route actuelle, à deux voies, en autoroute à quatre voies, sur chaussées séparées, auxquelles s'ajouteraient deux voies réservées en permanence aux autobus, entre les autoroutes 440 et 640.

Le BAPE recommande de plus au gouvernement du Québec qu'une contre-expertise soit réalisée par un expert indépendant pour documenter les impacts que le projet de l'A19 pourrait avoir sur la circulation dans le district montréalais du Sault-au-Récollet, situé juste à la sortie du pont Papineau-Leblanc, où aboutit l'autoroute 19, dans le nord de la métropole. Le MTQ a soutenu, lors des audiences, que ces impacts ne seraient pas marqués.

Ce projet est attendu depuis des décennies, en banlieue nord, où les résidants se plaignent de la congestion routière chronique et des mauvaises conditions de circulation sur la route 335 actuelle. Le coût du projet, qui implique la construction d'un nouveau pont et de quatre échangeurs autoroutiers, est estimé à entre 500 et 600 millions.

Le BAPE estime «qu'une amélioration du lien routier entre les autoroutes 440 et 640 est justifiée» et reconnaît qu'il y a «urgence d'agir pour améliorer la circulation sur l'axe de l'A-19 et de la route 335».

Cela dit, le BAPE n'adhère visiblement pas aux analyses présentées par le MTQ lors des audiences publiques de l'automne dernier et affirme «qu'une analyse comparative plus approfondie est requise entre les scénarios d'autoroute à deux voies et ceux de boulevards urbains, y compris celui avec carrefours plans et échangeurs».

Cette évaluation, soutient le BAPE, «devrait être complétée avant que le Ministère ne retienne l'option définitive du projet de parachèvement de l'autoroute 19». De plus, l'option retenue, au terme de cette analyse, «devrait assurer une insertion plus harmonieuse dans le milieu» que le projet présentement défendu par le MTQ.

Un virage vert manqué

Le rapport du BAPE n'est pas tendre envers certains éléments phares du projet, dont la troisième voie réservée en permanence aux autobus, dans les deux directions, et la piste multifonctionnelle qui longerait l'ensemble du projet du côté est, qui serait accessible à la fois aux cyclistes, aux piétons et aux adeptes de la motoneige et du VTT.

«En vertu du principe de l'efficacité économique», le BAPE estime que le nombre des autobus circulant en périodes de pointe sur la voie réservée exclusive est très inférieur au débit «qui justifierait l'existence même d'une telle voie», dans le cadre du projet de l'A19. À peine 19 véhicules à l'heure emprunteraient la voie réservée en périodes de pointe, soit en moyenne un autobus toutes les trois minutes.

Quant à la piste multifonctionnelle, qui serait aménagée du côté est du projet, le long de l'emprise autoroutière, le BAPE estime qu'elle serait «peu attractive» pour les cyclistes, peu conviviale pour les piétons et il affirme que même les amateurs de motoneige ont exprimé «des craintes au regard de leur sécurité et des problèmes de cohabitation et de partage de la voie».

Selon le BAPE, «le MTQ s'engage progressivement sur la voie de la mobilité durable avec le projet de parachèvement de l'autoroute 19». Il estime toutefois qu'il reste beaucoup de chemin à faire, pour «accorder plus de place aux modes de transport actif et collectif et en démontrer le gain d'efficacité», dans un projet de développement routier.

«Une bonne nouvelle»

Malgré les critiques que suscite le projet, le maire de Bois-des-Filion, Paul Larocque, porte-parole d'une large coalition d'élus et de groupes de promotion économique favorable au parachèvement de l'A19, a réagi positivement à la publication du rapport.

«Le BAPE a reconnu l'urgence d'agir pour améliorer le lien routier actuel entre Bois-des-Filion et l'autoroute 440, a déclaré M. Larocque, et il a souligné le virage qu'a effectué le MTQ vers la mobilité durable, en incluant des voies réservées aux transports collectifs avant la construction du projet. C'est une bonne nouvelle.»

Quant aux nouvelles analyses que recommande le BAPE pour comparer les concepts de boulevards et d'autoroutes, le maire Larocque a estimé hier que «ces démonstrations-là ont déjà été faites», lors des audiences publiques de l'automne dernier.

«Ce n'est plus le temps d'étudier, mais de passer à l'action, a-t-il ajouté, et la Coalition souhaite que le ministre des Transports [Robert Poëti] s'engage dans cette voie.»

À l'autre opposé du spectre, le directeur du Conseil régional de l'environnement de Laval, Guy Garand, qui s'est opposé au projet autoroutier, se réjouissait, quant à lui, des améliorations recommandées par le BAPE pour compenser la destruction des milieux humides et forestiers qu'entraînerait l'aménagement du nouveau lien routier.

Il s'est aussi dit «très heureux» que le BAPE renvoie le MTQ à sa table à dessin «pour qu'on réfléchisse à la place des transports dans une perspective régionale, qui ne serait pas limitée à une voie réservée aux autobus de huit kilomètres, mais à tout un réseau de voies réservées métropolitaines».

«Le ministère des Transports a conçu le projet de l'A19 comme s'il s'arrêtait aux huit kilomètres entre l'A440 et l'A640, déplore-t-il. C'est le temps de penser plus large.»