D'ici à la fin de l'année fiscale, le gouvernement Marois doit trouver 1,6 milliard de dollars pour respecter ses engagements. Et il ne sait pas encore précisément comment.

Comme ses prédécesseurs, le gouvernement péquiste accuse l'ancien gouvernement d'avoir laissé les finances dans un moins bon état que prévu.



Les libéraux ont récemment annoncé que, à la fin du mois de juin, les dépenses dépassaient déjà les prévisions de 800 millions de dollars. «En fait, c'était 896 millions. On a arrondi vers le bas», affirme le ministre des Finances. À la fin août, ce chiffre s'élevait à 1,1 milliard de dollars. À cela s'ajoute un manque à gagner dû à la croissance économique plus faible que prévu. C'est donc 500 millions de plus qui échapperont au Québec. Résultat: Québec aura 1,6 milliard de dollars de moins que prévu.

Mais le ministre des Finances, Nicolas Marceau, promet malgré tout de respecter ses engagements: un déficit de 1,5 milliard en 2012-2013 et l'équilibre budgétaire en 2013-2014. Il prévoit en outre une croissance des dépenses de 2% cette année et de 1,8% l'année prochaine. «Nous ne sommes pas en compression. Nous sommes en maintien des niveaux prévus au début de l'année», a expliqué le président du Conseil du Trésor, Stéphane Bédard, qui accompagnait M. Marceau en conférence de presse.

«Malgré des objectifs ambitieux, les libéraux avaient lâché les commandes du navire. Ils étaient dans un agenda qui était plus électoral que financier. Ils ont choisi de plaire à la population plutôt que de bien faire», a-t-il dit.

Trois moyens de réduire le déficit

Comment le gouvernement péquiste arrivera-t-il à ses fins? «Cela va nécessiter un virage important dans la gestion», a reconnu M. Marceau. Il devra complètement renverser la vapeur. Pour la première moitié de l'année, Québec a déjà engendré un déficit de près de 3 milliards. Il faudra non seulement cesser ces déficits, mais il faudra de plus trouver 1,6 milliard.

Pour ce faire, M. Marceau a dégagé trois moyens. D'abord, utiliser la réserve de 300 millions prévue dans son cadre financier. Ensuite, profiter de la baisse des taux d'intérêt, qui allège le service de la dette. Enfin, lutter contre l'évasion fiscale, ce qui, espère-t-on, permettrait d'aller chercher «des centaines de millions». Mais on ne dit pas comment. En fait, on commence à peine à explorer cette avenue, a avoué M. Marceau. 

Gentilly-2 gonfle la dette

Même si le gouvernement Marois atteint sa cible, le déficit ne sera pas de 1,5 milliard en 2012-2013 mais de près du double. La raison: la fermeture de la centrale nucléaire Gentilly-2. Elle force Hydro-Québec à radier environ 1,7 milliard de dollars en actifs, ce qui amputera d'environ 1,2 milliard le dividende que la société d'État verse au gouvernement cette année. Les revenus de Québec diminueront donc d'autant.

«Mettre fin aux opérations de la centrale est une bonne décision économique. Il s'agit d'une décision pour le long terme. Les coûts de fermeture sont beaucoup moins élevés que les coûts de la réfection», a rappelé M. Marceau.

En effet, selon Hydro-Québec, la fermeture est «nettement avantageuse.» À partir de 2017, la réfection aurait amputé le dividende de 215 millions de dollars par année. De plus, le coût de la fermeture n'aurait pas été évité. On l'aurait simplement reporté. Et il aurait augmenté, car on aurait ajouté des déchets nucléaires à remiser. «Tôt ou tard, ce serait arrivé. Le gouvernement précédent a choisi de pelleter le problème en avant», accuse-t-il.

M. Marceau ajoute qu'augmenter le déficit à cause de Gentilly-2 est plus «transparent» que d'augmenter la dette.

Infrastructures: «inquiétante» hausse des coûts

Le ministre Bédard a relevé d'importants dépassements de coûts dans les grands projets d'infrastructures. «La situation est - je vais mesurer mes mots - inquiétante», a-t-il lancé.

Dans la vingtaine de «projets stratégiques», les coûts ont augmenté en moyenne de 80%, constate-t-il. Un exemple: la route des monts Otish, un projet important du Plan Nord. Les coûts sont passés de 260 à 471 millions de dollars. Et le projet n'est pas fini.

M. Bédard a même demandé à une firme externe de se pencher sur les projets d'infrastructures. Elle devra «expliquer pourquoi ces projets ont explosé en termes de coûts de façon aussi rapide». On lui demande aussi de «revoir l'ensemble des processus entre le moment de l'annonce et la réalisation pour que Québec fasse les bons choix».

«Improvisation», accuse l'opposition

Sam Hamad défend l'état des finances publiques laissées par les libéraux. «Ce n'est pas la première fois qu'il y a un dépassement dans les dépenses qui est annoncé en juin», dit le député libéral. Et le ralentissement de la croissance économique est dû au contexte mondial, ajoute-t-il. 

Le gouvernement Marois devrait chercher à stimuler la croissance au lieu de piger dans les poches des contribuables, soutient-il. L'annulation de la taxe santé - qui redonnera 400$ aux familles de la classe moyenne - ne suffira pas à stimuler pas les investissements privés. Au contraire, les hausses d'impôts qui financeront cette abolition risquent de nuire à l'investissement et l'emploi. «Le gouvernement improvise. Il agit comme une poule pas de tête», cingle-t-il.  La Coalition avenir Québec juge «inacceptable» le trou de 1,6 milliard de dollars laissé par le gouvernement libéral.  «Mais j'ai l'impression que (le gouvernement Marois) se contente d'observer le problème. Aucune solution sérieuse n'est proposée», dit son chef François Legault.

Il y a deux façons de régler le problème: augmenter les revenus ou diminuer les dépenses, résume-t-il. «D'autres gouvernements ont essayé de combattre l'évasion fiscale. Je ne vois pas ce qu'ils feront d'ici la fin de l'année pour trouver l'argent. D'ailleurs, ils ne l'ont pas dit», note-t-il.

De plus, les péquistes promettent de geler les taris de garderies et d'hydroélectricité, et probablement d'indexer les droits de scolarité. Des décisions «imprudentes», croit M. Legault.

Même si la CAQ proposait elle aussi en campagne électorale de hausser l'impôt pour financer l'abolition de la taxe santé, elle critique aujourd'hui cette promesse du gouvernement péquiste. «Notre proposition venait avec un plan de réduction des dépenses de 2,1 milliards de dollars, dit M. Legault. Dans contexte actuel, la hausse d'impôt que propose Mme Marois n'est pas responsable.»