Le premier ministre Jean Charest a maintenu l'ambiguïté, hier, quant à ses intentions, se risquant même à parler de la prochaine session parlementaire à l'automne. En réalité, toute la machine libérale s'est mise en branle pour permettre qu'une campagne électorale soit déclenchée en août, pour un scrutin en septembre

En quittant le parlement hier, bien des ministres parlaient des annonces, nombreuses, qu'ils devaient faire dans les prochains jours: des décisions liées au développement du Nord, pour Clément Gignac, et des investissements dans le réseau de la Santé, pour Yves Bolduc. Le personnel politique a eu comme consigne de prendre ses vacances en juillet, pour être disponible en août. Des élections à court terme sont probables, confient certains ministres importants. Pauline Marois en est si convaincue qu'elle a salué tout de suite, hier, le départ à la retraite de certains de ses députés, tenant pour acquis que l'Assemblée nationale ne siégera pas avant un appel aux urnes.

Selon des sources libérales, le verdict des électeurs d'Argenteuil, qui ont mis fin lundi à un règne libéral de 46 ans, a eu l'effet d'une douche froide chez les stratèges de Jean Charest. Mais deux jours plus tard, ils minimisaient le sens de cette dégelée, le qualifiant d'«accident de parcours». Rien pour faire dérailler leur plan de match.

Jouer «la rue» et la violence contre la loi, l'ordre et «la stabilité» sera, selon les observateurs, au centre de la stratégie de Jean Charest. Le scénario est apparu bien limpide grâce aux fuites à la suite de la réunion de stratégie avec les attachés politiques, la semaine dernière. Une indiscrétion qui a dû donner des sueurs froides - un extrait de la présentation numérique très stratégique du PLQ s'est même retrouvé entre les mains du PQ. A-t-il obtenu la totalité du document? La «taupe» s'est-elle épanchée? Jean Charest ne peut que spéculer, et constater que, chose rare, la dissidence a atteint les troupes libérales.

Plusieurs «lignes» de campagne sont prêtes. Sur la violence, surtout. Hier encore, M. Charest récitait carrément la litanie des excès des dernières semaines : les bombes fumigènes dans le métro, les menaces aux ministres, aux députés, à leurs familles, les saccages de bureaux, les bidons d'essence «avec des mèches», a-t-il précisé. Le scénario est déjà écrit. Il opposera la «stabilité, le développement économique et l'emploi» des libéraux au «référendum et la rue» du PQ.

Mais ce plan de match repose sur un élément qu'il ne contrôle pas. Que se passera-t-il à la mi-août si, conseillés par les centrales syndicales, les étudiants adoptent le profil bas, pour éviter de donner de l'oxygène à une campagne libérale tournant autour de la «loi et l'ordre»? Tenu responsable d'une crise de trois mois, avec son seul bilan en bouclier, Jean Charest passerait les cinq plus longues semaines de sa vie.

Aussi, dans les cabinets politiques et chez les députés, on est beaucoup plus perplexe. Les sondages sont constants :il y a 70% de gens insatisfaits du gouvernement. Les libéraux sont troisièmes chez les francophones, le contingent qui décide du sort de la grande majorité des circonscriptions. «C'est suicidaire», a laissé tomber un proche du gouvernement. Les libéraux prétendent que leur sondeur, Sylvie Paradis, voit à partir d'enquêtes téléphoniques une réalité bien différente de celle observée par les enquêtes internet de CROP ou de Léger Marketing.

À ceux qui lui suggèrent de repousser les élections, Jean Charest semble-t-il n'a qu'une réponse: «Qu'est-ce qui vous fait penser que ce sera meilleur après?». Les balbutiements de la commission Charbonneau semblent lui donner raison. Or, à compter de la mi-septembre, les audiences reprendront quotidiennement, avec leur lot de révélations embarrassantes.

S'il est aussi déterminé à mener ses troupes aux prochaines élections que ne le disent ses proches, Jean Charest ne peut attendre trop longtemps. Laisser durer le suspense, à l'automne, voire au printemps prochain, serait interprété comme un départ annoncé, même s'il n'y a aucun sauveur dans l'antichambre du parti. Son mentor politique, Brian Mulroney, avait attendu la cinquième année de son mandat, et n'avait eu d'autre choix que de quitter au début 1993. Le PC s'était choisi un chef en juin, Kim Campbell. Elle avait mené les troupes à la quasi-disparition du parti...

Les dates importantes de la session parlementaire

LE 20 MARS

Dépôt du budget de Raymond Bachand qui confirme la décision de hausser les droits de scolarité.

LE 20 AVRIL

Jean Charest fait une blague controversée au Palais des congrès, il souhaite que les jeunes se trouvent des emplois «dans le Nord autant que possible».

LE 5 MAI

Entente éphémère entre Québec et les associations étudiantes. La veille, une manifestation a tourné au vinaigre à Victoriaville où le PLQ tenait son conseil général.

LE 3 MAI

Tony Tomassi quitte son siège de député de LaFontaine

LE 14 MAI

Démission de la ministre de l'Éducation Line Beauchamp

LE 16 MAI

Dépôt du projet de loi 78. La loi spéciale est adoptée le lendemain après une nuit de débats.

LE 27 MAI

Début d'une seconde ronde de négociations avec les trois associations étudiantes. Québec quitte la table après quatre jours.

LE 30 MAI

Dépôt du rapport du Vérificateur général du Québec qui met la ministre de l'Éducation Michèle Courchesne dans l'embarras pour l'attribution des subventions pour les équipements sportifs.

LE 11 JUIN

Défaite-surprise du PLQ dans la circonscription d'Argenteuil; les élections complémentaires dans Argenteuil et LaFontaine avaient été déclenchées le 9 mai.