Malgré les critiques de l'opposition péquiste, le premier ministre du Québec, Jean Charest, estime que son projet de loi visant à bannir le voile intégral dans les services de l'Etat va assez loin.

Le projet de loi 94, déposé cette semaine par la ministre de la Justice Kathleen Weil, obligerait les employés de l'Etat à travailler à visage découvert, interdisant le port de la burqa et du niqab aux employés des ministères, des services publics ou des réseaux de la santé et de l'éducation.

Ce règlement s'appliquerait également aux clientes ayant recours à ces services, ainsi qu'à des organismes comme la SAAQ et la RAMQ.

Mais selon la chef du Parti québécois (PQ), Pauline Marois, le gouvernement libéral devrait inclure le hidjab, qui recouvre les cheveux et le cou des femmes qui le portent, car le contraire contrevient à la neutralité de l'Etat.

Or, Mme Marois va trop loin, a répliqué le premier ministre, qui était de passage en Outaouais vendredi. Car les religieuses aussi se couvrent la tête, et une loi plus sévère encadrerait donc également leurs pratiques, a-t-il soutenu.

«Le voile vous savez, les religieuses au Québec portent le voile», a souligné M. Charest, lorsque questionné sur les demandes du PQ.

Si le Parti québécois reproche aux libéraux de ne pas séparer clairement la religion et l'Etat, le premier ministre Charest, lui, trouve que ses adversaires exagèrent, puisque certains députés péquistes souhaitent même interdire le port de la croix, a-t-il déploré.

«Quand on pousse ça dans sa logique, ils vont jusqu'où au PQ? (...) Moi je pense qu'il y un élément de gros bon sens aussi qu'on doit appliquer là-dessus», a argué le premier ministre, lors d'un point de presse sur un tout autre sujet.

Plutôt que de critiquer, le PQ devrait préciser jusqu'où il est prêt à aller, a-t-il réclamé.

Le premier ministre a réitéré qu'avec son nouveau projet de loi, qui témoigne de la «laïcité ouverte» que défend le Québec, le gouvernement établit des balises qui permettront d'encadrer les accommodements à venir.

«Nous on a proposé une formule qui est un bon équilibre dans l'expression de nos valeurs à nous. Et nous croyons que le projet de loi va être très utile pour nous aider maintenant à mieux gérer les cas qu'on appelle d'accommodements raisonnables», a-t-il expliqué.

C'est aussi l'avis de Michael Ignatieff, qui a exprimé vendredi son soutien au projet de loi du gouvernement Charest lors d'un point de presse sur la conférence de trois jours organisée par le Parti libéral du Canada à Montréal.

«Il y a toujours un certain équilibre qu'il faut maintenir», a déclaré le chef libéral, ajoutant que le projet de loi offrait un bon compromis entre liberté religieuse et traitement égalitaire.

M. Ignatieff a soutenu que les accommodements raisonnables impliquaient que chaque parti fasse des concessions. Un principe qui, selon lui, est respecté dans le projet de loi proposé par Québec. Il a également réfuté les allégations de certains groupes musulmans et commentateurs canadiens voulant que la Belle Province soit plus intolérante que les autres provinces du pays.

Michael Ignatieff est le premier leader fédéral à se prononcer ouvertement sur la question du port de voiles religieux dans les services publics. Le débat a été relancé de plus belle récemment par l'expulsion d'une étudiante d'un cours de francisation subventionné par le gouvernement provincial, dans un cégep de Montréal, parce qu'elle ne voulait pas retirer son niqab, qui lui masquait le visage.