L'Office national de l'énergie (ONÉ) continuera de jouer un rôle dans les évaluations environnementales des oléoducs et des gazoducs, ont indiqué des hauts fonctionnaires du ministère de l'Environnement, jeudi, sans pouvoir expliquer avec précision quel sera ce rôle.

L'organisme de réglementation de l'industrie pétrolière et gazière changera toutefois de nom pour devenir la Régie canadienne de l'énergie.

Un volumineux projet de loi de 400 pages déposé à la Chambre des communes jeudi propose que toutes les évaluations des projets pétroliers, gaziers, miniers, hydroélectriques et nucléaires soient effectuées par l'Agence canadienne d'évaluation des impacts, un nouvel organisme qui sera créé à partir de l'actuelle Agence canadienne des évaluations environnementales.

Ce nouvel organisme devra toutefois travailler en collaboration avec l'ONÉ, la Commission de sûreté nucléaire et les offices des hydrocarbures extracôtiers qui existent dans les provinces atlantiques. Les grands projets seront évalués par un panel d'experts nommés par la nouvelle Agence d'évaluation des impacts et les agences réglementaires comme l'ONÉ.

Mais c'est cette nouvelle agence qui pilotera le processus d'évaluations environnementales pour tous ces grands projets afin d'assurer une approche «cohérente et efficace», a expliqué la ministre de l'Environnement, Catherine McKenna, en conférence de presse.

La décision finale de donner ou non le feu vert à un projet reviendra à la ministre ou au conseil des ministres. Le ministre aura également le pouvoir de décider si un projet peu être exempté du processus d'évaluation.

«Nous avons besoin de montrer au monde entier que nous pouvons protéger l'environnement et attirer des investissements», a affirmé Mme McKenna, en insistant sur le fait que le nouveau processus permettra aux «bons projets» d'aller de l'avant et donnera davantage de certitude à l'industrie.

Le nouveau processus d'évaluation vise à rétablir la confiance du public qui avait été ébranlée par le gouvernement Harper. Les changements proposés dans le projet de loi C-69 incluent une participation du public et des communautés autochtones touchées dès la phase de planification d'un projet, une réduction des délais d'évaluation - de 365 à 300 jours ou de 720 à 600 jours selon la taille du projet - et une étude de leurs impacts à long terme sur l'ensemble de la société, ce qui inclurait les émissions de gaz à effet de serre.

La liste de projets qui avait été créée par le gouvernement Harper pour déterminer lesquels devaient faire l'objet d'une évaluation demeure, mais le gouvernement Trudeau lance une consultation pour l'élargir. De quoi réjouir l'industrie pétrolière, qui y voit une façon de mieux prévoir les étapes à franchir.

Ottawa voudrait également harmoniser le processus fédéral d'évaluation environnementale avec ceux des provinces pour éviter les doublons en tenant, par exemple, des consultations parallèles.

L'annonce est accompagnée d'une enveloppe d'un milliard de dollars sur cinq ans pour l'application de ces nouvelles mesures.

La ministre a précisé que le gouvernement n'avait nullement l'intention de soumettre le projet d'oléoduc Trans Mountain qui divise la Colombie-Britannique et l'Alberta à ce nouveau processus d'évaluation une fois qu'il sera adopté.

Catherine McKenna a répété qu'il avait déjà été approuvé et qu'il irait donc de l'avant.

Une «loi Frankenstein»

«On dirait qu'un savant fou est allé dans un laboratoire pour fusionner Stephen Harper et Justin Trudeau pour créer une nouvelle sorte de gouvernement Frankenstein et on ne sait pas s'il va pouvoir marcher», a illustré la chef du Parti vert, Elizabeth May, qui se demande si la nouvelle Agence canadienne d'évaluation des impacts aura toute l'indépendance nécessaire pour faire son travail.

Les libéraux avaient promis en campagne électorale de renverser les changements controversés que le gouvernement de Stephen Harper avait apportés au processus d'évaluation environnementale en 2012. Des changements qui étaient favorables à l'industrie pétrolière et qui avaient mené à l'abandon de 3000 évaluations, selon les environnementalistes.

Ceux-ci ont à maintes reprises critiqué la proximité de l'ONÉ avec le lobby pétrolier lors de l'évaluation de l'oléoduc Énergie Est qui a finalement été abandonné par son promoteur, TransCanada.

«On fait un pas dans la bonne direction et on revient avant l'ère désastreuse des conservateurs», a reconnu le néo-démocrate Alexandre Boulerice.

«Mais encore là, si on garde les mêmes délais d'évaluation environnementale, si on donne plus de pouvoirs à la ministre pour empêcher ou stopper des évaluations environnementales, c'est extrêmement préoccupant», a-t-il continué.

Les conservateurs n'ont pas caché leur déception. «Deux ans et demi d'attente pour l'industrie canadienne pour aboutir à un processus encore plus lourd», a dénoncé le conservateur Gérard Deltell.

«Il y a davantage d'embûches, il y a davantage d'étapes à franchir, il y a davantage de frais inhérents à ça», a-t-il ajouté.

Plusieurs questions restent toutefois en suspens, autant pour les environnementalistes que l'industrie pétrolière.

«On a une belle loi, mais on n'a aucune idée des projets auxquels elle va s'appliquer», a remarqué la directrice générale du Centre québécois du droit de l'environnement, Karine Péloffy.

«Les délais inscrits dans la loi sont importants pour les promoteurs et les investisseurs, mais il y a aussi des consultations préliminaires, a noté, pour sa part, le directeur général de l'Association canadienne des producteurs de pétrole, Tim McMillan. Nous ne savons pas comment les deux vont se conjuguer.»

Le chef du Parti conservateur uni de l'Alberta et ex-ministre fédéral Jason Kenney considère le projet de loi comme une nouvelle attaque contre les entreprises pétrolières.

«Il sera encore plus difficile pour les compagnies d'exporter les centaines de milliards de dollars de notre richesse énergétique», a-t-il soutenu.