Le Québec aurait dû tenir tête au gouvernement Trudeau en refusant de signer la récente entente sur le financement des soins de santé. La raison est fort simple : Ottawa payera une part de moins en moins importante des dépenses totales liées aux soins de santé au Québec d'ici 2026, date de la fin de l'accord.

C'est du moins la conclusion à laquelle en arrive l'Institut des finances publiques et de la démocratie (IFPD), un groupe de réflexion canadien fondé et dirigé par l'ancien directeur parlementaire du budget Kevin Page, dans un rapport qui sera dévoilé ce matin.

Dans son rapport, l'IFPD soutient que les nouveaux investissements du gouvernement fédéral dans les soins de santé au Québec (2,5 milliards sur 10 ans) seront nettement insuffisants pour absorber la hausse des coûts du système découlant du vieillissement de la population et de l'inflation, entre autres facteurs.

Résultat : la part du financement fédéral des soins de santé au Québec passera certes de 26,6% en 2017 à 27,3% en 2019 grâce à l'entente conclue entre Ottawa et le gouvernement Couillard le mois dernier, mais elle déclinera graduellement à partir de cette date pour s'établir à 25,5% en 2026.

Au Québec, la part du financement fédéral est plus élevée que dans le reste du pays parce que le Québec est, parmi toutes les provinces, celle qui dépense le moins en matière de soins de santé par habitant. Ailleurs au pays, toutefois, la part du financement fédéral va passer de 24% en 2017 à 20,7% en 2026.

Malgré tout, le système de santé québécois est «relativement performant», compte tenu qu'il se trouve au troisième rang dans le classement du Conference Board pour ce qui est du bilan de santé, derrière la Colombie-Britannique et l'Ontario, et qu'il est bon deuxième au classement pour la performance du système de santé, derrière l'Ontario, selon une évaluation de l'Institut canadien d'information en santé (ICIS).

«Selon nous, le gouvernement du Québec aurait dû rejeter la récente offre du gouvernement fédéral sur le financement des soins de santé et retourner à la table pour tenter de négocier une meilleure entente», affirme Dominique Lapointe, analyste principal à l'IFPD.

«La contribution du gouvernement fédéral aux dépenses en santé est appelée à diminuer jusqu'en 2026, ce qui forcera le Québec à soutenir un fardeau disproportionné des nouveaux coûts», ajoute M. Lapointe, qui a participé à la rédaction du rappport. Il a indiqué que les dépenses en santé au Québec devraient augmenter d'environ 4% par an tandis que les transferts aux provinces seront limitées à 3%.

Retombées sur les autres provinces

En février, l'IFPD a publié une étude comparable sur la situation de l'Ontario, alors qu'il restait encore cinq provinces - l'Alberta, la Colombie-Britannique, le Manitoba, l'Ontario et le Québec - qui refusaient de signer toute entente avec Ottawa, jugeant l'offre fédérale inacceptable. L'IFPD compte évaluer les retombées de l'entente sur la santé sur les autres provinces au cours des prochains mois, étant donné que seul le Manitoba persiste à rejeter l'offre du gouvernement fédéral.

Au départ, les provinces réclamaient à l'unisson le maintien du taux de croissance annuel de 6% du transfert en santé, lequel était en vigueur depuis 2004. Dans leurs pourparlers avec Ottawa, les provinces tenaient à ce que 25% des dépenses en santé soient couvertes par le fédéral. Elles pressaient donc le gouvernement Trudeau d'annuler la décision des conservateurs de Stephen Harper de ramener à 3% la hausse annuelle du transfert fédéral à partir de janvier 2017. Mais le gouvernement libéral a rejeté cette demande tout en mettant sur la table une somme forfaitaire de 11,5 milliards sur 10 ans pour les soins à domicile et la santé mentale.

Le front commun des provinces a éclaté en décembre dès lors où le Nouveau-Brunswick, confronté à une situation budgétaire difficile, a décidé de conclure une entente bilatérale avec Ottawa. D'autres provinces lui ont ensuite emboîté le pas après que le gouvernement Trudeau eut fait savoir que les provinces qui n'accepteraient pas l'offre n'auraient aucunement droit à leur part des 11,5 milliards. La majeure partie des nouveaux investissements fédéraux sera toutefois versée après la prochaine élection fédérale, prévue en octobre 2019.

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QU'EST-CE QUE L'IFPD?

L'Institut des finances publiques et de la démocratie est un groupe de réflexion canadien fondé et dirigé par l'ancien directeur parlementaire du budget Kevin Page. Le groupe est financé par le gouvernement de l'Ontario et est rattaché à l'Université d'Ottawa. On y compte plusieurs employés du bureau du directeur parlementaire du budget.