« Nous devons faire mieux, affirme la ministre fédérale Carolyn Bennett. Nous devons mettre en place les changements nécessaires pour prévenir ces tragédies à l'avenir. »

Tout comme le Bureau du coroner du Québec, la ministre fédérale des Affaires autochtones et du Nord, Carolyn Bennett, estime que le gouvernement fédéral doit offrir de meilleurs services aux communautés autochtones en matière de prévention du suicide. Le Bureau du coroner du Québec a formulé plusieurs recommandations aux gouvernements dans un rapport la semaine dernière, à la suite du suicide de cinq autochtones de la communauté innue d'Uashat Mak Mani-Utenam (près de Sept-Îles, sur la Côte-Nord) en 2015.

« Ces enjeux concernent tous les ministères et les juridictions. La ministre [fédérale de la Santé Jane] Philpott est totalement engagée à rectifier les problèmes de services, notamment le fait qu'ils doivent être accessibles dans les langues autochtones. [...] »

« Nous devons améliorer les services et aussi travailler le plus fort possible en amont sur la prévention, que les enfants aient de l'espoir, voient une vie devant eux, soient fiers d'être autochtones et qu'ils aient ainsi une meilleure santé, une meilleure éducation et de meilleures possibilités économiques », écrit la ministre Carolyn Bennett.

APARTHEID ET DÉCOLONISATION

La ministre Bennett souligne le « message fort » du coroner québécois dans ce rapport « extrêmement important [...] qui traite les causes déterminantes [du suicide] comme la pauvreté, le système de protection de l'enfance, la violence sexuelle, les traumas générationnels qui mènent aux problèmes, à la drogue, à l'alcool ».

Dans son rapport, le coroner Bernard Lefrançois conclut que le « problème majeur » des autochtones est le « régime d'apartheid dans lequel [ils] sont plongés depuis 150 ans sinon plus ». En entrevue, la ministre Bennett n'a pas répété le mot « apartheid » quand on lui a demandé si elle était d'accord avec la comparaison du coroner Lefrançois. Le gouvernement Trudeau veut plutôt « décoloniser » la relation entre le Canada et les Premières Nations. « C'est nous qui devons décoloniser, répond la ministre Bennett. Nous devons aller vers l'autodétermination [des peuples autochtones]. [La Loi sur les Indiens] est totalement discriminatoire. [...] Nous devons changer le système, faire en sorte que ce paternalisme et ces pratiques coloniales cessent. »

UNE LIGNE TÉLÉPHONIQUE DE PRÉVENTION DU SUICIDE EN INNU ?

Le coroner québécois recommande aussi à Ottawa d'offrir des services de prévention du suicide - notamment une ligne téléphonique d'urgence - dans la langue des communautés autochtones. En octobre dernier, Ottawa a créé une telle ligne téléphonique en trois langues autochtones (cri, ojibwa et inuktitut), mais pas en innu ou en naskapi, les deux langues des communautés autochtones faisant l'objet du rapport du coroner. Ottawa n'a pas décidé si la ligne téléphonique sera offerte en d'autres langues autochtones, mais la ministre Bennett montre une ouverture. « L'accessibilité est notre objectif numéro un. [...] J'imagine que l'accessibilité doit y être », dit-elle.

La ministre Bennett s'intéresse aussi aux programmes de thérapie axés sur des séjours prolongés en forêt recommandés par le Bureau du coroner du Québec. « Être fiers de leur histoire, être capables de parler leur langue est si important pour les jeunes autochtones, dit-elle. C'est l'antidote aux écoles résidentielles [autochtones], la façon d'aller de l'avant en décolonisant. [...] Nous devons prévenir ces tragédies. [...] Nous ne voulons pas que les communautés, les familles, les personnes tombent à travers les mailles du filet. Comment pouvons-nous travailler ensemble pour faire un meilleur travail ? Nous tentons de faire tout ce que nous pouvons. »