(Québec ) Voulant s’attaquer aux délais judiciaires, le ministre Simon Jolin-Barrette donne plus de pouvoirs aux juges de paix magistrats, qui pourront prêter main-forte à leurs collègues de la Cour du Québec. Québec crée aussi sept postes de juge à la Cour supérieure.

Le ministre de la Justice a déposé mardi le projet de loi 54 qui vise à réduire les délais judiciaires en matière criminelle et pénale et rendre l’administration de la justice plus performante.

Le texte législatif est une réponse à la Table Justice-Québec qui a présenté la semaine dernière un plan d’action concertée pour réduire les délais judiciaires. Le ministre Simon Jolin-Barrette avait à ce moment télégraphié ses intentions de donner plus de pouvoirs aux juges de paix magistrats pour « réduire au minimum » les arrêts des procédures causés par les délais judiciaires.

« Au cours des derniers mois, la situation des délais s’est malheureusement aggravée jusqu’à devenir critique dans plusieurs dossiers », a fait valoir mardi le ministre Jolin-Barrette.

« Certaines causes ont même dû être abandonnées en raison des délais déraisonnables. Nous le réitérons, derrière chacune des causes, il y a une personne victime qui n’a pu témoigner, qui a l’impression qu’elle a dénoncé en vain et dont la confiance envers le système de justice s’effrite. C’est intolérable, et nous en convenons tous », a-t-il ajouté.

L’an dernier, 83 causes criminelles ont fait l’objet d’un arrêt des procédures en raison des délais, selon le ministre. À cela s’ajoute 274 « nolle prosequi », soit l’abandon des poursuites par la Couronne, dont 171 à la Cour itinérante et 10 à Montréal.

Le projet de loi prévoit que les juges de paix magistrats pourront désormais présider des comparutions et des enquêtes sur mise en liberté, des tâches normalement réservées aux juges de la Cour du Québec.

Peu connus, les juges de paix magistrats président entre autres les procès pénaux et statutaires et signent des mandats de perquisition. Certaines infractions qui n’ont pas besoin d’une discrétion judiciaire seront alors redirigées vers les juges de paix de fonctionnaires, a précisé M. Jolin Barrette.

« Ce qu’on cherche à faire, c’est un effet de cascade pour que les juges qui ont le plus de pouvoir – les juges de la Cour du Québec – bien qu’ils puissent utiliser leurs compétences et leur champ d’expertise sur les dossiers les plus complexes », a expliqué le ministre.

Le projet de loi 54 prévoit aussi un allégement du régime de preuve et une modernisation des procédures pour « économiser du temps d’audience et éviter aux témoins de se déplacer à la cour ».

L’augmentation des délais judiciaires s’explique entre autres par la pandémie et par la décision « unilatérale » de la Cour du Québec de faire siéger moins souvent les juges. Depuis un an, le ministre Jolin-Barrette et la Cour du Québec ont réglé leur conflit en créant 14 nouveaux postes de juges en échange d’une augmentation du nombre de jours d’audience par juge et l’établissement de nouvelles cibles d’efficacité.

Avec ces changements, Québec espère que 87,7 % des causes se termineront à l’intérieur du délai de 18 à 30  mois. « On s’est donné l’objectif en contrepartie de la nomination des 14 nouveaux juges du Québec pour le 31 janvier 2025, la Cour a l’obligation d’atteindre ce type de performance là », a illustré le ministre. Pour l’heure, ce taux est de 78 %.

Nouveaux postes

Par ailleurs, le ministre de la Justice ajoute sept nouveaux postes de juges à la Cour supérieure, ce qui ferait passer leur total à 164. Le texte législatif vise également à « ajuster la répartition des juges de cette cour dans les différents districts judiciaires ». Le gouvernement québécois doit créer ces postes dans la loi, mais c’est le fédéral qui nomme les juges à la Cour supérieure.

Or, Ottawa n’a pas encore doté deux postes de juge à la Cour supérieure créés sous l’ancienne ministre libérale de la Justice, Stéphanie Vallée, en 2016. Une situation que le ministre Jolin-Barrette a déplorée, mardi.

Avec Louis-Samuel Perron, La Presse