(Ottawa) Le gouvernement fédéral fait une pause dans ses projets visant à rendre l’aide médicale à mourir accessible aux personnes dont le seul problème médical est une maladie mentale – et le ministre de la Santé, Mark Holland, ne donne aucun indice sur un nouvel échéancier.

Le pays n’est pas encore prêt à franchir une étape aussi importante, a reconnu lundi M. Holland, en accord avec les conclusions d’une commission parlementaire mixte qui a publié son rapport final plus tôt dans la journée.

Ce comité, qui s’est réuni de nouveau l’an dernier pour déterminer si les professionnels de la santé étaient préparés, a conclu que les questions fondamentales autour de l’expansion controversée n’ont pas encore été résolues.

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Le ministre de la Santé, Mark Holland

Alors que les praticiens de l’aide à mourir, les professionnels de la santé et les régulateurs ont effectué un travail préparatoire considérable, le comité a entendu des « témoignages importants » de parties prenantes selon lesquels le système n’était pas encore prêt.

Le rapport indique que de nombreux praticiens restent préoccupés, notamment en ce qui concerne les défis liés à l’évaluation de l’aspect irrémédiable de la maladie mentale.

Des questions importantes demeurent également quant à la manière dont les évaluateurs seraient capables de faire la différence entre une personne demandant une aide à mourir et une personne ayant des pensées suicidaires.

Les sénateurs et les députés membres de la commission ont également entendu des témoignages « contradictoires », indique le rapport, qui recommande également que la commission reprenne ses travaux un an avant la prochaine échéance.

Comment s’assurer du respect des conditions ?

Le gouvernement présentera bientôt un projet de loi détaillant ses plans, a déclaré Mark Holland. Cela devra se produire avant que l’expansion ne prenne effet, le 17 mars.

« Nous avons besoin de plus de temps, a-t-il déclaré. Nous serons en mesure, dans les prochains jours, de parler du temps que nous estimons nécessaire. »

Les libéraux ont déjà légiféré sur un délai d’un an l’année dernière, affirmant à l’époque que les prestataires de soins médicaux et les provinces avaient besoin de plus de temps pour se préparer.

Le gouvernement est très conscient de l’échéance à venir, a déclaré le ministre de la Justice Arif Virani.

Les libéraux soutiennent toujours qu’une personne qui a vécu « des décennies » de tourment et qui a épuisé toutes ses options de traitement devrait avoir la possibilité de recourir à l’aide médicale à mourir, a déclaré M. Holland.

Mais le gouvernement doit s’assurer que cette mesure est « limitée à ces circonstances et que nous disposons de contrôles appropriés », a-t-il ajouté.

Le ministre Holland a également souligné les préoccupations exprimées par les gouvernements de la Saskatchewan, de l’Alberta et du Manitoba concernant l’expansion prévue et les risques qu’elle pourrait présenter aux personnes souffrant de maladie mentale.

Les libéraux subissent une pression croissante de l’opposition pour freiner leurs projets d’expansion. Les néo-démocrates fédéraux veulent d’abord mettre en place davantage de soutiens en matière de santé mentale.

Les conservateurs fédéraux réclament quant à eux son abolition totale.

Dans un rapport dissident, les députés conservateurs et les sénateurs du comité ont déclaré qu’il serait « imprudent et dangereux » pour les libéraux de permettre que le changement prévu ait lieu en mars.

« Le Canada n’est pas prêt pour cela et, franchement, rien ne prouve qu’il le sera un jour », ont déclaré plusieurs députés dans un communiqué.

« Justin Trudeau doit mettre fin immédiatement et définitivement à l’expansion (de l’aide médicale à mourir) aux personnes atteintes de maladie mentale. »

Un plan attendu impatiemment

Mourir dans la dignité, une organisation nationale de défense des soins de fin de vie, a appelé le gouvernement à présenter son plan dans les plus brefs délais.

Les normes de formation et de pratique nécessaires ont été élaborées et, après trois ans de préparation par les prestataires, le pays est effectivement prêt à aller de l’avant, a indiqué le groupe dans un communiqué.

Priver les personnes atteintes de maladie mentale de la possibilité d’être évaluées en vue d’une aide à mourir équivaut à une violation de leurs droits, poursuit-il.

Trois sénateurs indépendants ont fait écho à ce point dans une opinion dissidente sur les conclusions du comité.

« Les Canadiens souffrant de troubles mentaux devraient recevoir des soins de santé appropriés, au cas par cas », peut-on lire dans la déclaration des sénateurs Stan Kutcher, Marie-Françoise Megie et Pamela Wallin.

« Cela stigmatise également les personnes atteintes de troubles mentaux, favorisant le mythe selon lequel les personnes atteintes de troubles mentaux sont incapables de prendre des décisions éclairées concernant leurs choix de fin de vie. »