(Ottawa ) Il est un ministre influent du gouvernement Trudeau de la région de Toronto depuis le remaniement ministériel de juillet. Mais le cœur d’Arif Virani reste accroché à Montréal, où ses parents et lui ont foulé le sol comme réfugiés en provenance de l’Ouganda en 1972.

Surtout, le cœur du ministre de la Justice vibre au rythme des succès et des déboires du Canadien de Montréal. Car même s’il a déménagé dans la Ville Reine trois ans après son arrivée au Canada, quand il était tout jeune, il demeure un partisan inconditionnel de la Sainte Flanelle. Pas question d’appuyer les Maple Leafs de Toronto, même si plusieurs résidants de sa circonscription considéreraient l’appui à une équipe rivale d’une province rivale comme un crime de lèse-majesté.

« C’est dangereux pour un gars de Toronto de dire que tu es un partisan du Canadien. Mais après trois élections, j’ai maintenant assez confiance pour admettre ça ! », lance Arif Varini dans un très bon français.

L’amour du Canadien, c’est son père qui le lui a transmis. Il se rappelle d’ailleurs certains samedis soir quand il écoutait La soirée du hockey avec son père. Il a alors appris à aimer les envolées lyriques du légendaire descripteur des matchs du Canadien, René Lecavalier. Le joueur préféré de son père n’était nul autre qu’Yvan Cournoyer. Il a vu et adulé plusieurs vedettes du Canadien dans les années 1970 et 1980.

PHOTO MICHEL GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Yvan Cournoyer en 1971

D’ailleurs, quand la Chambre des communes a honoré les membres de l’équipe du Canada afin de marquer le 50anniversaire de leur victoire dans la Série du siècle contre l’Union soviétique, à l’automne 2022, Arif Virani a invité son père à assister à l’évènement des tribunes réservées au public. Il a ensuite entrepris les démarches pour que son père puisse se faire photographier en compagnie de son idole, Yvan Cournoyer.

J’adore le hockey. Mon équipe reste toujours le Canadien de Montréal. J’ai de très bons souvenirs de lorsqu’on était ensemble, moi et mon père, en train de regarder le Canadien de Montréal sur Radio-Canada, la chaîne 11, à Toronto, sur une télévision en noir et blanc.

Arif Virani, ministre fédéral de la Justice

L’amour du hockey s’est d’ailleurs manifesté dès le premier jour de l’arrivée de la famille Virani à Montréal en 1972, rendue possible grâce à une politique d’accueil des réfugiés mise en œuvre par le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau. Arif Virani n’avait pas encore 1 an. Ses parents lui ont raconté qu’ils attendaient en compagnie d’autres réfugiés ougandais et asiatiques les instructions des fonctionnaires du ministère de l’Immigration alors qu’ils se trouvaient sur une base militaire de Montréal. Les fonctionnaires ont soudainement disparu pour revenir quelques minutes plus tard, champagne à la main et distribuant des verres à ceux qui le désiraient.

« Les gens se disaient : “C’est le paradis ici. On nous accueille avec du champagne.” Mais ils ont compris par la suite que tout le monde célébrait la victoire du Canada contre l’Union soviétique. Ils leur disaient : “Il faut célébrer. On a gagné le huitième match. On a gagné la Série du siècle !” », raconte le ministre en souriant. « L’introduction au hockey a donc été immédiate. »

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre fédéral de la Justice, Arif Virani

Après son arrivée, la petite famille s’est installée dans un appartement à Longueuil. Son père a rapidement déniché un emploi dans un magasin de sport sur la rue Peel, à Montréal, qui lui rapportait 60 $ par semaine. En Ouganda, son père était propriétaire d’un magasin de sport. Il était aussi capitaine de l’équipe de cricket locale et jouait au tennis. Un beau jour, des collègues du magasin l’ont invité à aller voir un match du Canadien contre les Bruins de Boston. Guy Lafleur qui affronte Bobby Orr. La foule du Forum qui s’emporte dès que les esprits s’échauffent sur la glace. Les graines de l’amour du hockey étaient semées, même si ce sport était peu connu en Ouganda.

Quand hockey rime avec culture

En entrevue, le ministre Arif Virani affiche une connaissance impressionnante de l’influence du hockey sur le destin de la nation québécoise.

« J’apprécie aussi l’histoire de cette équipe et l’influence qu’ont eue les grands joueurs comme Maurice Richard vis-à-vis la société québécoise. Le Canadien, c’est plus qu’une équipe. C’est un modèle, c’est un symbole. Mais on ne peut pas comprendre cela si on n’a pas habité au Québec », dit le ministre.

PHOTO ROGER ST-JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Maurice Richard

« Maurice Richard n’était pas juste un bon marqueur. Il était un symbole, un héros pour toute une culture, toute une nation. Lorsqu’il a eu sa fameuse bataille, et Clarence Campbell, le gars de Toronto, l’anglophone qui l’a suspendu, ça a provoqué l’émeute du Forum [en 1955] », souligne-t-il.

Dans le fond, si tu connais le hockey, tu connais beaucoup de choses sur le Québec aussi.

Arif Virani, ministre fédéral de la Justice

« J’apprécie la culture du Québec et [je comprends] le défi de protéger la langue. J’ai lu au sujet de la Révolution tranquille et le mouvement contre le pouvoir de l’Église catholique. Je ne suis pas Québécois, c’est sûr, mais j’ai une connaissance qui est un peu plus informée et plus profonde que d’autres députés de Toronto ! », lance-t-il en souriant.

Montréal a eu une influence notable dans la vie du ministre Virani. Il est d’ailleurs revenu dans la métropole, à 18 ans, pour entreprendre un bac en histoire et en science politique à l’Université McGill. C’est là qu’il a rencontré pour la première fois Justin Trudeau. « On était ensemble avec l’équipe des debaters à McGill. » Plus tard, après avoir fait son droit à Toronto, il a aussi travaillé comme enquêteur à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à Montréal.

Leurs chemins se sont de nouveau croisés en 2013 quand M. Virani a décidé de briguer l’investiture du Parti libéral dans la circonscription de Parkdale-High Park, à Toronto. Deux ans plus tard, il se retrouvait aux Communes en compagnie d’un nouveau premier ministre, Justin Trudeau.