(Sherbrooke) Le Canada et son idéologie « woke » instrumentalisent le concept d’intersectionnalité pour en faire une « arme » contre les valeurs québécoises, a dénoncé le chef bloquiste Yves-François Blanchet dans un discours en marge du congrès du Parti québécois.

« Les mêmes qui ont le courage de dénoncer qu’on fasse des mots “racisme systémique” une arme contre le Québec doivent se dresser. Les mêmes qui ont le courage de dénoncer qu’on pervertisse l’idée — peut-être valable scientifiquement quelque part — d’intersectionnalité pour en faire une arme contre le Québec doivent se dresser », a lancé M. Blanchet en suscitant des applaudissements dans une salle bondée de militants, samedi.

Le chef bloquiste estime que le gouvernement fédéral « institutionnalise » à travers le financement des universités une « perversion de ce que doit être les connaissances et la science ». Ottawa « impose des conclusions idéologiques, activistes et anti-Québec en recherche », a-t-il ajouté.

« On sent, et je n’aime pas le mot “woke”, mais je n’en trouve pas de meilleur, […] on sent qu’Ottawa instrumentalise ce courant de pensée pour s’en prendre systématiquement à la nation québécoise », a-t-il précisé par la suite en mêlée de presse.

Débat à l’Assemblée nationale

Le concept d’intersectionnalité a suscité un débat à la fin du mois de février à l’Assemblée nationale. Québec solidaire avait déposé une motion au Salon bleu dans laquelle le parti encourageait « l’analyse différenciée selon les sexes dans une perspective intersectionnelle afin de défendre les droits de toutes les femmes au Québec ». Le parti avait l’appui du Parti libéral et du Parti québécois, mais pas de la CAQ.

La ministre responsable de la Condition féminine Martine Biron n’était toutefois pas d’accord. « Ce n’est pas notre vision du féminisme », avait fait valoir son bureau au Devoir. Par la suite, l’ancien chef du Parti québécois Jean-François Lisée a affirmé, également dans les pages du Devoir, que le PQ était « tombé dans le panneau » en « appuyant la motion par réflexe progressiste sans avoir la moindre idée de son impact juridique ».

Sur les médias sociaux, le député péquiste Pascal Bérubé avait affirmé que malgré son vote, le PQ « n’adhère pas à l’approche intersectionnelle », qu’il oppose à un féminisme « universaliste ». Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon a affirmé qu’il partageait la vision de M. Blanchet. « Il y a de l’idéologie qui est dictée par Ottawa, il n’y aucun doute, et souvent ça entre en contradiction avec des choix légitimes et démocratiques des Québécois », a-t-il dit en point de presse.

Il estime que « l’intersectionnalité en soi est légitime comme étude », mais que ça devient un « problème démocratique » si « on transforme ça en idéologie et que la conclusion c’est constamment que le Québec est fautif ».

Un concept utilisé par le gouvernement du Québec

C’est maintenant au tour du chef bloquiste de tomber à bras raccourcis contre ce concept. « Comme anthropologue, je ne dis pas que la notion même n’est pas pertinente […] Je dis que son instrumentalisation pour en prendre ultimement à des valeurs québécoises en pervertissant ce que serait le sens sociologique ou scientifique de cette idée-là n’est pas acceptable », a-t-il dénoncé.

L’intersectionnalité fait pourtant partie intégrante de la stratégie gouvernementale 2022-2027 pour contrer la violence sexuelle et la violence conjugale au Québec.

« Les recoupements entre différents systèmes de discrimination placent certaines femmes dans des contextes de vulnérabilité accrue par rapport à la violence sexuelle et à la violence conjugale. Pensons notamment aux femmes immigrantes ou racisées, autochtones, aînées, en situation de pauvreté, en situation de handicap et aux personnes de la diversité sexuelle et de genre », lit-on dans le plan stratégique porté par le gouvernement Legault.

« Outil de réflexion d’abord juridique, mais devenu sociologique, l’intersectionnalité est la prise en compte du croisement des rapports de discrimination pour révéler la spécificité de situations discriminatoires souvent ignorées », selon l’Abécédaire du féminisme.

Lisez la chronique « Pour un féminisme à taille multiple » de Rima Elkouri