Le gouvernement conservateur met de l'eau dans son vin et laisse tomber l'idée d'exiger une contribution de la part des provinces pour son nouveau programme fédéral de formation de la main-d'oeuvre.

Mais sa nouvelle offre a été immédiatement rejetée par Québec, qui continue de réclamer la pleine gestion des transferts fédéraux en la matière.

«Nous refusons l'offre de M. Kenney. Elle est tout à fait insatisfaisante pour le Québec», a tranché en entrevue la ministre québécoise de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Agnès Maltais.

Le ministre fédéral de l'Emploi, Jason Kenney, a confirmé mercredi qu'il avait fait parvenir à ses homologues provinciaux une nouvelle proposition sur ce dossier litigieux à la veille de Noël.

Dans son plan initial, le fédéral souhaitait la mise en place de subventions de 15 000 $ par travailleur; Ottawa, les provinces et les employeurs ayant à contribuer à parts égales en fournissant chacun 5000 $. Cela représentait une facture totale de 300 millions $ pour les provinces.

En conférence de presse mercredi à Fredericton, M. Kenney a expliqué que les provinces lui avaient vigoureusement fait savoir qu'elles n'étaient pas en mesure de verser une telle contribution.

«Les provinces nous ont dit - de façon compréhensible dans des circonstances fiscales très difficiles - qu'elles n'ont pas beaucoup d'argent pour de nouveaux projets», a expliqué le ministre.

«Elles ont été claires qu'elles n'étaient pas dans une position où elles pouvaient égaler la contribution fédérale. Je comprends entièrement cela et je l'ai accepté dans notre offre révisée.»

Selon M. Kenney, Ottawa se montre flexible dans ce dossier et il confie espérer parvenir à une entente d'ici la fin de cette année financière.

«Nous sommes tout à fait respectueux des champs de compétence des provinces», a-t-il soutenu, ajoutant que son objectif était simplement d'augmenter l'investissement des entreprises privées dans la formation des travailleurs.

Québec dit non

Mais ces paroles n'ont pas ému Mme Maltais, qui a réitéré que Québec souhaitait continuer à gérer ces fonds à sa façon.

«M. Kenney ne sera pas le premier ministre fédéral à dire qu'il respecte les champs de compétence et qui saute à pieds joints dedans», a-t-elle illustré.

«S'il est vrai qu'il veut respecter les champs de compétence des provinces, il va renouveler l'entente sur le marché du travail, point à la ligne.»

La ministre a rappelé que le Québec avait déjà un modèle bien à lui, qui prenait notamment en compte le point de vue des employeurs pour l'allocation des budgets de formation. En vertu de l'ancienne entente, il touchait 116 millions $, qu'il allouait principalement à la formation destinée à combler les besoins des petites et moyennes entreprises.

Selon Mme Maltais, ce modèle fonctionne bien, jouit d'une excellente reddition de comptes, et M. Kenney devrait rendre les armes, à défaut de quoi Québec refusera tout bonnement de gérer le programme fédéral.

«Il va être obligé de rebâtir une administration, d'engager des fonctionnaires, de louer des locaux. On ne la gérera pas, la subvention canadienne pour l'emploi», a-t-elle martelé.

Et selon elle, ce scénario serait non seulement contre-productif, mais surtout très coûteux. «(Le fédéral) n'a pas d'administration ici pour la gérer, n'a pas de contact avec les entreprises, avec les écoles de formation. Il va être obligé de refaire un Emploi Québec, là!»

Elle a demandé une rencontre bilatérale avec M. Kenney et participera à une conférence téléphonique entre les ministres des provinces et territoires du pays prévue pour vendredi sur le sujet.

Aux yeux de la porte-parole adjointe en matière d'emploi du Nouveau Parti démocratique (NPD), Sadia Groguhé, il serait plus constructif pour le fédéral de consulter les provinces plutôt que d'imposer sa solution.

«Le Québec ne demande que de continuer de développer ce programme à sa façon. Une façon qui porte des fruits et qui a des résultats», a-t-elle signalé.

La contre-offre d'Ottawa a néanmoins semblé plaire à d'autres provinces, une division qui pourrait briser le front commun qu'elles avaient mené jusqu'ici contre le fédéral.

La première ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne, a noté que des points devaient être discutés, mais qu'elle était heureuse de constater que M. Kenney souhaitait plus de flexibilité dans le programme proposé.

Le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, a qualifié les concessions d'Ottawa de «pas dans la bonne direction», et celui du Nouveau-Brunswick, David Alward, s'est dit «encouragé» par les nouveaux développements.

Rien n'indique cependant qu'Ottawa investira davantage dans la formation des travailleurs que ce qu'il avait d'abord annoncé lors du dépôt du budget 2013, ce qui signifiera donc une coupe de 300 millions $ dans les transferts aux provinces.