TC Transcontinental a annoncé lundi dernier la plus importante acquisition de son histoire, celle du transformateur d'emballages souples Coveris Americas, pour 1,3 milliard US. Isabelle Marcoux et François Olivier, présidente du conseil et président-directeur général de TC Transcontinental, sont nos personnalités de la semaine.

Curieux dimanche de Pâques.

Isabelle Marcoux, présidente du conseil, et François Olivier, président-directeur général, l'ont passé ensemble au siège social de TC Transcontinental. Ils sont mariés depuis 26 ans, mais tout de même !

Trois jours plus tôt, jeudi soir, peu avant minuit, l'entreprise avait signé la convention d'achat pour l'acquisition du transformateur d'emballages souples Coveris Americas - une brique de plusieurs centaines de pages.

L'entreprise est cotée en Bourse, les marchés devaient donc en être informés rapidement. Mais c'était le début du long congé pascal. Le communiqué, prévoyait-on, serait publié le mardi suivant.

« Je pensais que les Bourses étaient fermées le lundi de Pâques », relate François Olivier.

Ses avocats l'ont informé du contraire. « Ils m'ont dit : "Vous allez être obligés d'annoncer la plus grande transaction de l'histoire de Transcontinental le lendemain de Pâques." »

Pour cette transaction - et peut-être pour compenser pour ces Pâques escamotées -, Isabelle Marcoux et François Olivier sont nommés personnalités de la semaine.

PANORAMA

Le bureau d'Isabelle Marcoux, entièrement vitré sur deux pans, occupe l'angle sud-est du 32e étage de la Place Ville Marie.

Le fleuve se déploie en contrebas, sous un azur lumineux. Le bureau de François Olivier, à l'angle nord-est, n'offre pas le même panorama. « J'ai choisi le mien en premier », rigole-t-elle. Celui de son père, Rémi Marcoux, est situé à mi-chemin entre les deux - l'éloquente démonstration qu'il s'agit d'une entreprise familiale, dira François Olivier.

Il est retardé. Sa visite chez un client s'est prolongée. D'ici son arrivée, ses interventions se feront au téléphone, depuis sa voiture.

C'est d'ailleurs de cette manière qu'il a remporté l'enchère pour l'acquisition de Coveris.

SUR LA ROUTE

Le samedi 24 mars, les négociations s'étaient poursuivies toute la journée. Il ne restait que deux concurrents au fil d'arrivée.

Peut-être pour forcer le sort, en fin d'après-midi, le couple a pris la route pour sa propriété des Laurentides.

« La transaction s'est conclue dans la voiture au téléphone, avec Isabelle assise à côté de moi, raconte le président. Évidemment, on avait toute notre équipe qui était autour de nous virtuellement au téléphone. »

Une transaction de 1,72 milliard conclue au volant ! « Je voulais tellement en arriver à l'issue des discussions que je parlais au téléphone en conduisant. »

En mode mains libres, sûrement...

« Quand le banquier de New York m'a négocié les derniers détails, je n'étais pas encore certain qu'on était choisis. Quand il m'a dit : "You got it", ç'a été un moment important pour nous. » C'est la litote de l'année !

« On a vécu ça ensemble, moi et Isabelle, dans la voiture.

- C'était un beau moment, ajoute celle-ci. Ensuite, on a appelé mon père, mon frère, ma soeur, notre administrateur principal Richard Fortin, un des fondateurs de Couche-Tard. Beaucoup d'émotion... Richard a eu de la misère à parler, tellement il était heureux. On a quand même géré pendant plusieurs années la décroissance, des fermetures d'usine, des ventes de magazines et de journaux... »

LA STRATÉGIE DE LA SOUPLESSE

C'était la septième acquisition de Transcontinental depuis son virage stratégique vers les emballages souples, en 2014.

Avec l'ajout de Coveris, les activités d'impression - à l'origine le coeur de l'entreprise fondée par Rémi Marcoux - deviennent minoritaires. Son père « était aussi heureux [qu'eux], quand on a annoncé l'acquisition », assure Isabelle Marcoux. Il a passé le lundi de Pâques avec eux, au bureau. « Il était content de voir que la continuité de l'entreprise, que la croissance allaient être renouvelées avec ce secteur. »

Soudain, François Olivier apparaît, grand et solide gaillard, le téléphone à l'oreille : intéressante entrevue, blague-t-il.

Il s'assoit à côté de sa femme - c'est leur première entrevue conjointe, confient-ils.

« Même dans notre travail, pour maximiser notre présence, c'est très rare qu'on soit ensemble dans les événements », précise le président.

L'IMPORTANCE D'ÊTRE AGILE

Une enchère ne se remporte pas nécessairement à l'offre la plus élevée, mais aussi « à la capacité de clôturer vite, décrit Isabelle Marcoux. Notre offre était pleinement financée par les banques. Ils avaient vu aussi notre agilité à procéder rapidement avec notre conseil d'administration ».

Le vendeur, Sun Capital Partners, en a vite eu une autre confirmation. Entre la conclusion de l'enchère, le samedi 24 mars, et la signature de la convention, le jeudi saint, il ne s'est écoulé que cinq jours. « Normalement, c'est un travail de 30 jours », indique François Olivier.

LE SENS DE LA FAMILLE

Le couple a deux enfants, Philippe et Jeanne, respectivement âgés de 18 et 20 ans. Jeanne, qui étudie aux États-Unis, a suivi les événements du lundi de Pâques à distance. « Elle envoyait des textos, suivait le prix du titre à la Bourse... »

Au fil de ses transformations, l'entreprise reste fermement familiale. Et a l'intention de le demeurer.

Depuis deux ans, les enfants de Rémi et Carmelle - Isabelle, Nathalie et Pierre - organisent un « cercle de famille ». Il prend la forme d'une rencontre annuelle d'une fin de semaine pour les huit petits-enfants âgés de 11 à 20 ans.

« On leur parle de nos valeurs, on leur raconte comment l'entreprise a été bâtie, quelle est notre histoire », décrit Isabelle Marcoux. « Ça s'apprend, être actionnaire et être responsable. »

Lors de la première rencontre, leur grand-père leur a raconté son parcours, dans un témoignage qui a été enregistré. « Un beau moment », dit-elle.

« On leur avait organisé tout un agenda. À la fin, le dimanche, un des petits a dit : "Ouais, c'est difficile, être dans cette famille-là !" »

Ils ont révisé la formule. « Maintenant, on se fait aider et c'est beaucoup plus ludique. »

Il en va de la famille comme de l'entreprise : il faut savoir s'adapter.

Isabelle Marcoux et François Olivier en quelques choix

ISABELLE MARCOUX 

UN LIVRE

Les prodiges de Malcolm Gladwell. « Atteindre un niveau d'excellence requiert travail acharné, persévérance et dévouement. »

UN FILM

Lion, « le récit d'une quête qui va droit au coeur ».

UN PERSONNAGE HISTORIQUE

La reine Élisabeth II, « un exemple de résilience et du sens du devoir ».

UN PERSONNAGE CONTEMPORAIN

Bill et Melinda Gates, « un couple qui consacre sa vie et sa fortune à améliorer la qualité de vie des citoyens du monde ».

UNE PHRASE

« Sit at the table », de Sheryl Sandberg. « Pour faire progresser le leadership au féminin, il faut avoir la volonté d'avancer, de s'imposer dans le débat et d'affirmer son ambition. »

UNE CAUSE

Centraide du Grand Montréal, « pour sa réelle différence à briser le cycle de la pauvreté et de l'exclusion sociale dans le Grand Montréal ».

***

FRANÇOIS OLIVIER 

UN LIVRE

L'art de la victoire de Phil Knight, « l'autobiographie du fondateur de Nike : un homme d'affaires humble, inspirant et visionnaire ».

UN FILM

Darkest Hour, « l'histoire d'un leader authentique, loin d'être parfait, mais qui a su écouter le peuple britannique et le rallier autour de sa vision ».

UN PERSONNAGE HISTORIQUE

Nelson Mendela, « pour avoir cru en une cause durant toute sa vie et avoir pardonné à ceux qui l'avaient condamné ». 

UN PERSONNAGE CONTEMPORAIN

« Mon épouse ! »

UNE PHRASE

« Soyez toujours dans l'équipe des positifs ! »

UNE CAUSE

Portage, « un organisme qui aide les personnes aux prises avec des problèmes de toxicomanie à vaincre leur dépendance ».