Elle avait pris le parti des plus pauvres et son oeuvre aura influencé la vie de toute une communauté. Humaniste, féministe, et avant tout écologiste, Isabelle Gauthier-Nadeau s'est éteinte le 8 octobre dernier, à Mazatlán, au Mexique. Elle avait 38 ans.

Enfant unique, Isabelle a grandi à Montréal, partageant son temps entre l'école et sa deuxième famille, le mouvement scout. «C'est de là que lui est venue sa grande passion pour la nature, ainsi que son désir de la préserver», raconte sa mère, Marie-Andrée Gauthier.

À 19 ans, en quête de nouvelles aventures, la jeune femme prend le large, enfourche une moto et file vers une destination inconnue à travers les Amériques. Son amie Michèle Bruneau l'accompagne dans le périple. Guidées par les aléas de leurs rencontres, les deux voyageuses poseront le pied sur une petite île du Pacifique, l'Isla de la Piedra, au large de Mazatlán. C'est là, dans une plantation de cocotiers bordée par des kilomètres d'océan qu'Isabelle découvre l'amour, s'installe, et abandonne ses études en psychologie.

«Elle voyait ça comme une aventure», se remémore sa compagne de voyage, revenue depuis s'installer à Montréal.

Chabela

Peut-être était-ce justement son goût du risque ou simplement son sens profond de la justice, mais Isabelle, rebaptisée Chabela par les locaux, a pris le parti de changer la vie des habitants les plus pauvres de l'île, notamment celle des femmes et de leurs enfants.

«Ce n'était pas une intervenante comme les autres, raconte Michèle Bruneau. Elle travaillait de l'intérieur et vivait dans la pauvreté comme celles qu'elle voulait aider.»

Au projet de construction d'habitations à base de bouteilles de verre et de plastique s'est ajouté l'aménagement de jardins pour la culture de légumes, puis des interventions répétées auprès des autorités et des écoles de l'endroit pour transformer la façon dont on gérait les déchets.

«Elle prenait tout sur ses épaules, dit Michèle Bruneau. Elle n'était pas payée pour réaliser ces projets, mais avait à coeur de faire bouger les choses.»

C'est dans ce même esprit de justice sociale et de respect de l'environnement que les deux amies ont fondé Eco-coco en 2006. L'entreprise qui produit boucles d'oreilles, colliers, bracelets, bols, chandeliers et autres articles à base de résidus de noix de coco emploie encore aujourd'hui huit travailleuses de l'île.

Toutes ces initiatives feront bientôt connaître Chabela au-delà des frontières de son île. Ses idées trouveront écho jusqu'au gouvernement mexicain qui les prendra en exemple. On l'invitera même à partager son expérience dans les universités du pays.

Le passage d'Isabelle sur cette île mexicaine aura aussi transformé les esprits de la communauté d'environ 5000 habitants de l'île. Son intrusion dans les sphères ordinairement réservées aux hommes en a d'ailleurs choqué plus d'un selon Michèle Bruneau. «Même son mari s'arrachait parfois les cheveux», dit-elle.

Le jour de sa mort, Chabela travaillait encore sur le terrain à décontaminer un marécage qui faisait office de dépotoir depuis des années. Mère de trois enfants et enceinte d'un quatrième, des complications liées à sa grossesse l'auront emportée.

L'annonce de sa mort a été un choc pour la population locale selon Michèle Bruneau. «Il y a peut-être 400 ou 500 personnes qui sont venues nous dire à quel point elle avait changé leur vie, raconte-t-elle. Elle a semé plein de graines là-bas, et a transformé la perception des gens devant leur pouvoir et leur capacité de faire changer les choses.»